Sans vouloir faire du protectionnisme, Mayotte tente de protéger sa ressource. Mais l’accession au statut de Région européenne ultrapériphérique (RUP) implique certaines règles. Et notamment, celle de devoir accueillir les bateaux de pêche européens dans nos eaux.
Pour qu’il n’y ait pas pillage d’un territoire mahorais en développement, un dédommagement est prévu. C’est ce qu’annonce ce mardi le Parlement européen : le rapport Cadec, du nom du député européen des Côtes-d’Armor, a été adopté. Il permet l’accès des navires seychellois à une partie de la Zone économique exclusive (ZEE) de Mayotte.
« C’est un signal fort pour Mayotte », annonce-t-il, en se réjouissant des redevances payées par les armateurs qui seront distribuées pour le développement de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte. Mais si l’autre partie de la zone économique reste réservée à la pêche locale, ses acteurs ont le désagréable sentiment d’assister à une aumône…
« J’ai commencé par râler contre un journal national qui illustrait ses articles sur notre pêcherie par des pirogues à balancier… On nous prend pour des demeurés alors que nous pêchons prés de 2 000 tonnes par an ! », proteste le président du Syndicat des pêcheurs Mahorais, Régis Masséaux.
La situation était connue et les Mahorais ne sont pas restés les bras croisés. Lors des discussions sur le rapport d’Alain Cadec était en effet présent Dominique Marot, à la tête d’Aquamay, mais également président des Aquaculteurs d’Outre-mer, épaulé par Jean-Claude Yoyotte, président du Comité régional de pêche de Guadeloupe et représentant des DOM au sein du Comité national de Pêche.
Trois fois moins de dédommagement
L’Europe négocie avec chacun des territoire possédant une Zone économique exclusive un Accord de Partenariat de Pêche (APP). Elle permettait à Mayotte d’encaisser 350 000 euros de recettes de licences de pêche chaque année, avant l’adoption du statut de RUP. Désormais, les navires européens étant chez eux, ils n’ont plus à payer cette participation, « seule la part armateur demeure, de 150 000 euros, soit trois fois moins », explique Régis Masseaux.
Un état de fait que déplorerait Alain Cadec lui-même : « il a regretté que la zone de pêche des locaux ne soit pas assez protégée, trop concurrencée par la présence des thoniers senneurs ». Car le prélèvement est conséquent : « 10 000 tonnes par an contre 150 000 euros d’indemnités ! », soit 0,015 euros le kilos de poisson…
Les pêcheurs demandent alors l’application de la Politique communautaire de Pêche qui permet de bénéficier de mesures de protection, « par exemple l’obligation pour les cinq thoniers étrangers immatriculés à Dzaoudzi de ne pas pêcher sur nos DCP dérivants ».
On savait que les exigences européennes seraient difficilement compatibles avec le développement de l’île, surtout que les mesures communautaires de préservation de la ressources empêchent tout accroissement de la flotte… Ce sont ces mêmes textes européens que Régis Masséaux compte utiliser pour protéger la pêche locale, et donc l’emploi.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte