Il n’était pas question pour les organisateurs de porter un jugement contre les actes terroristes, mais de désapprouver la caricature des religions. Des échanges ressort une absence de réflexion que doit porter l’Etat français avec les représentants religieux musulmans.
Ils étaient à peine une quarantaine à s’être déplacés ce dimanche 25 janvier place de la République. Sans banderole, mais en revendiquant « le respect de l’islam ». La présence de femmes voilées, peu courant à Mayotte, aux côtés d’hommes en djellabas faisait craindre aux quelques métropolitains présents pour manifester à leurs côtés, une radicalisation des revendications.
« Nous ne sommes pas des djihadistes ! », prévenait le porte parole du mouvement, Nadjar Habib Mahizio, « et les musulmans condamnent ce qui c’est passé en métropole. Chaque homme doit être touché par une âme qui quitte ce monde. Mais nous sommes là pour dire que les caricatures de Mahomet, comme celles de Jésus, ne nous plaisent pas, pour dire que ceux qui croient sont blessés. Ce n’est pas normal de stigmatiser ». Un discours en shimaoré qui nous a été traduit.
Un participant à la manifestation se disait insulté par les caricatures, et nous expliquait que le recul nécessaire pour ne pas être blessé, « tout le monde ne l’a pas. Nous sommes tous différents et face à une telle agression, certains peuvent être amenés à tuer. On se demande parfois qui terrorise qui. La liberté d’expression d’accord, mais jusqu’où ? Si votre mère ou votre père sont salis, vous aurez envie de les venger ! ».
Entre représentation physique et caricature
Dans le point presse improvisé qui suivait la Douha (prière), Nadjar Habib Mahizio répètera qu’« on ne doit pas se moquer les uns des autres, mais se respecter ».
Le ton change lorsque le journaliste de Mayotte 1ère Emmanuel Tusevo aborde la représentation physique de Mahomet qu’ont pratiquée les chiites par le passé, comme l’explique dans un article d’octobre 2012 l’Institut Français du Proche Orient, « chez les sunnites, tendance de l’islam présente à Mayotte, elle est interdite », tranche le religieux.
De la même manière, la place de Mayotte-la musulmane dans une République française où certains se sont battus pour la liberté d’expression, donc le droit de pratiquer la caricature, agite Nadjar Habib Mahizio : « la République doit être le garant de la liberté d’exercer sa religion. Mais la conception même de la laïcité est paradoxale : d’un côté la tolérance, avec une liberté de chacun de s’exprimer, et de l’autre l’intolérance avec l’obligation d’être identique. La laïcité est donc intolérante, l’autre ne peut pas être différent. Le Coran dit, ‘à toi ta religion, à moi la mienne’ ».
L’absence de pancartes est volontaire, le mouvement se veut pacifiste, « il sera reconduit si de nouvelles caricatures de Mahomet venaient à couvrir la Une de Charlie Hebdo », indiquent les religieux. Une manifestation qui n’aura donc pas rassemblé.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte