Elles sont 11 très jeunes et très déterminées à repérer en 3 semaines les cas les plus urgents de problèmes d’orthophonie à Mayotte. Un secteur en pénurie de professionnels.
Ils ou elles sont très demandé(e)s en France par les parents inquiets du moindre échec scolaire de leur progéniture : les orthophonistes ont le vent en poupe depuis prés de quarante ans.
S’ils ont fleuri en métropole, ces professionnels chargés de repérer et de traiter les troubles de la voix, de la parole et du langage chez les enfants et les adultes, ne sont que trois à Mayotte.
C’est pourquoi l’arrivée pour 3 semaines de 11 stagiaires françaises de 3ème année de la haute Ecole Robert Schumann de Libramont (Belgique), met la communauté éducative sur le pied de guerre : « nous avons immédiatement saisi nos établissements respectifs de cette opportunité, permettant l’envoi d’une orthophoniste par circonscription de l’Education nationale », indique la maître E de l’école de Vahibé 2, qui se réjouit de « ce regard différent, complémentaire de celui du maître ».
L’opération a été initiée par l’Inspectrice d’Adaptation scolaire des enfants handicapés, en lien avec la formatrice de l’Ecole belge qui cherchait des stages pour ses élèves.
Épauler les enseignants
Pour autant, rien n’est facile dans un département où le bilinguisme le dispute à la scolarisation tardive pour expliquer l’échec d’un enfant : « ce n’est pas facile pour l’instituteur de faire la part du trouble de dysfonctionnement, d’une difficulté venant d’un primo-arrivant qui ne maitrise pas la langue », explique Xavière Guiselin, future orthophoniste, qui vient de passer une semaine et demi dans les écoles.
En témoigne le petit Farel que la jeune femme suit un moment sous l’œil des caméras, et qui doit décrire une image, en utilisant le vocabulaire adapté : « c’est l’été, je vois des tentes, des enfants et des études sur la plage », « des quoi ?! », « euh ‘des adultes’ », reprend-il en articulant.
Pour aider les enseignants, ces jeunes professionnelles vont proposer des outils, « expliquer ce qu’est la dysphasie, trouble de la parole, la dyslexie, de la lecture, les troubles de l’orientation spatiale ». Un bilan par élève, « mais qui ne pourra malheureusement pas déboucher sur une rééducation », étant donné la déficience d’orthophonistes à Mayotte.
Le matin, une famille de Dzaoudzi s’était déplacée au CIO pour rencontrer Manon, une autre des jeunes étudiantes, « cela faisait 2 ans qu’ils avaient demandé un bilan pour leur enfant, et c’est un cas lourd », nous explique-t-on.
Un chantier monstre, mais à la mesure de l’enthousiasme de ces futures orthophonistes, et l’opération pourrait être bénéfique à plus long terme pour l’île : « une fois mon équivalence passée, je reviendrai à Mayotte », assure Xavière Guiselin.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte