Le maki est gourmand. Il a toujours été la bête noire des récoltes et devient de plus en plus nuisible pour les agriculteurs, en raison de la destruction de son habitat naturel. Des actions sont en cours.
Le mécontentement de répand chez les agriculteurs : ils ont de plus en plus de mal à protéger leurs cultures contre les ravages d’un prédateur, le maki. La plupart ne se plaignent pas ouvertement, le phénomène étant endémique à Mayotte, tout comme ce lémurien à la fois charmeur et ravageur.
Introduit à Mayotte à l’époque des premières migrations malgaches il y a plus d’un millénaire, il est maintenant classé espèce protégée « et possède même le statut ‘quasi-menacé’ sur la liste rouge UICN* », nous indique l’association les Naturalistes de Mayotte.
Propriétaire d’une exploitation à Tsoundzou, Laïni Mogné-Mali, présidente de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Mayotte (FDSEAM), parle d’une hécatombe : « les fruits de la passion, les mangues, les bananes, tout a été mangé par les makis. C’est affreux ! ».
L’agricultrice parle d’aléas subi par les agriculteurs qui tentent de s’en sortir avec des remèdes maison : « on nous a dit de déposer du piment dans une banane, ça devait marcher. Mais ils crient un bon coup, s’en vont pendant quelques jours et reviennent. »
Les protections sont difficiles, « même impossible : comment déposer un filet autour d’un manguier ? »
Pour elle, deux facteurs viennent expliquer l’aggravation du phénomène. Le rapatriement des makis de l’îlot M’bouzi tout d’abord. Les lémuriens introduits à partir de 1997 par l’association Terre d’Asile y avaient proliférés, choyés qu’ils étaient par la responsable Brigitte Gandin qui les nourrissait et les soignait. La surpopulation n’avait pas tardé à être inquiétante, et le Conseil de la protection de la nature recommande la diminution progressive du nourrissage des lémuriens et la mise en œuvre immédiate d’un contrôle de l’état sanitaire des populations présentes sur l’îlot.
Il est difficile de savoir si certains ont été transférés sur la Grande Terre, en tout cas, une cinquantaine d’entre eux avait été retrouvé morts sur l’îlot, sans doute empoisonnés.
Le deuxième facteur tient dans l’évolution inéluctable de Mayotte, son urbanisation et la construction sauvage de cases, « le déboisement consécutif incite les makis à se replier vers nos exploitations où ils peuvent se nourrir ».
Laïni Monié-Mali fait le parallèle avec le loup en métropole, « une espèce protégée, mais pour laquelle il y a des battues ».
Cette menace du lémurien, Daniel Laborde, le directeur de la DAAF, Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, en est conscient. Il lui adjoint même une compatriote, la roussette, « qui est aussi préjudiciable ». Il convient du paradoxe d’une espèce à la fois protégée et ravageuse, mais plaide en faveur d’une attention légitime à l’érosion de la diversité des espèces.
Avant de parler d’une situation analogue à celle du loup, « contre lequel on n’utilise en métropole que de rares tirs de prélèvement sur autorisation du préfet lorsqu’il y a prolifération », il invoque un état des lieux, « nous nous rendrons sur les exploitations pour aider les agriculteurs à évaluer les dégâts ». C’est une mission d’enquête menée conjointement avec la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).
Indemniser pour protéger
Dans le même esprit, le Conseil d’administration de l’ODEADOM (Office de Développement de l’Agriculture des DOM) a acté l’accompagnement d’études de chiffrage des dégâts commis par les makis et les roussettes.
Bouter les prédateurs hors des exploitations c’est aussi les attirer ailleurs pour Daniel Laborde : « nous devons replanter les sites comme les padzas**, reboiser pour redonner à ces animaux un espace naturel ».
De son côté, la CAPAM, Chambre d’agriculture, est missionné par la DEAL pour recruter un stagiaire chargé de dresser une étude d’impact : « il a commencé depuis deux semaines », indique Ibrahim Fonpé, de la CAPAM. Ensuite, une éventuelle indemnisation par l’Etat pourra être envisagée.
Les agriculteurs pris en tenaille entre maki et roussette à la manière du chat et de la mouette rieuse de Lagaffe… sauf que ce n’est pas un gag !
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Union nationale pour la Conservation de la Nature
** Zones déforestées, ravinées et devenues incultes