Pour la Fédération française de football, le foot ne doit pas servir de bouc émissaire au climat social tendu à Mayotte, un domaine dévolu aux autorités qui en ont la charge. Elle réhabilite donc les deux clubs FC Koropa et ASC Kawéni, lourdement condamnés par la Ligue mahoraise de football lors des émeutes de septembre.
Les affrontements qui avaient opposé les villages de Kawéni et Majicavo Koropa, et qui s’étaient soldés par l’incendie de bangas, semblaient avoir un point de départ : le match de foot du FC Majicavo-Koropa qui recevait l’ASC Kawéni ce 20 septembre 2014. A la 76ème minute de jeu, un arbitre avait été pris à partie après avoir sorti un carton rouge et les tensions avaient ensuite largement débordé le cadre du terrain.
Des sanctions d’une rare sévérité avaient alors été prises par la commission régionale de discipline de la Ligue mahoraise de football (LMF). Outre le match perdu par pénalité pour les deux clubs, et les terrains suspendus pendant quatre ans, le FC Koropa était rétrogradé en promotion de ligue, la plus basse des catégories, ne pouvait recruter pendant 4 ans pour ses équipes séniors et U18, ne pouvait plus participer aux compétitions de coupe locales, ses dirigeants, secrétaire et éducateur fédéral étaient aussi pénalisés.
Enfin, une amende de 3000 euros pour « violation de la morale sportive, manquements graves portant atteinte à l’honneur et à l’image du football et de la Ligue mahoraise de football», était donnée. Des sanctions similaires, quoiqu’un peu moins fermes, étaient prises contre l’ASC Kawéni.
L’avis favorable du Comité Olympique
Le club de Majicavo Koropa avait fait appel et saisit le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui avait donné un avis favorable au club, estimant que les droits de la défense n’ont pas été respectés. Mais c’est un organe consultatif, la Ligue n’était donc pas obligé de le suivre.
L’avocat du club, Me Monsuf Saïd Ibrahim se tourne donc vers la Fédération française de football. Il fait valoir plusieurs points, repris dans la Commission supérieure d’appel de la FFF, lors du procès qui se tenait la semaine dernière.
Tout d’abord, si les incidents qui ont duré trois jours sont jugés « déplorables » et doivent « donner lieu à des sanctions envers leurs auteurs », il est noté que les rivalités entre les jeunes de Majicavo et Kawéni ne sont pas récentes et dépassent le simple cadre du football ». Mais surtout, le différent est mis en relation avec « un incident survenu la semaine précédente en discothèque, la rencontre entre les deux clubs n’ayant été qu’un « prétexte », pour un affrontement inévitable « que le match de foot ait lieu ou non ».
Un carton jaune qui coûte cher
Il en ressort que le sport, aussi vertueux soit-il sur le plan social, ne peut servir de bouc émissaire, et « les instances sportives ne peuvent se substituer aux autorités locales (forces de l’ordre, justice…) pour résoudre des problèmes qui apparaissent à l’évidence extérieurs au football et qui sont liés au climat social tendu, voire explosif, régnant à Mayotte ».
Une rencontre qui, de l’avis de tous s’était déroulée sans incident jusqu’à l’agression par un joueur de l’ASC Kawéni contre le gardien de but adverse, et qui prend un carton jaune, « qui aurait dû être sanctionné d’un carton rouge » de l’aveu même du propre club du joueur, puisqu’il a été à l’origine de tensions, répercutées par les supporters à l’extérieur du terrain, « armés de bâtons, de machettes et de divers autres objets ». Un arbitre-assistant avait reçu cailloux et gifles.
La FFF rappelle que les clubs, qu’ils soient visiteurs ou qu’ils reçoivent sont responsables des désordres survenus avant, pendant ou après le match. L’envahissement du terrain par les supporters ayant provoqué l’arrêt du match, « les deux clubs engagent leur responsabilité de manière identique ».
Il pointe du doigt les dirigeants du FC Koropa qui, « de part leur comportement, ont contribué à exciter les supporters (…) sans qu’une quelconque mesure soit prise pour prévenir les incidents », et de la même manière l’ASC Kawéni pour « le comportement de ses supporters vis à vis de l’arbitre-assistant ».
Si les clubs sont fautifs, les sanctions ne doivent pas conduire à « leur mort » pour la FFF, qui annule la décision de la Commission régionale de discipline, donne match perdu par pénalité aux deux clubs, inflige un retrait de 8 points dont 4 avec sursis au FC Majicavo Koropa, et de 6 points, dont 4 avec sursis à l’ASC Kawéni.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte