C’est un exercice de vulgarisation et de démystification des termes techniques auxquels se sont attelés les professionnels des TIC à la CCI ce vendredi. Il était question d’implanter le haut et le très haut débit à Mayotte. Des annonces importantes ont été faites.
C’est auprès de l’utilisateur final que se définit le débit : « montant » lorsqu’on envoie un fichier, « descendant » lorsqu’on télécharge, il devient haut-débit à partir de 2 mégabits en France, « 100 mégabits au Japon ! », observe Feyçoil Mouhoussoune, président du GEMTIC (Groupement des entreprises mahoraises des technologies de l’information et de la communication). Donc quand le très haut débit français se jauge dès 30 mégabits, les japonais sont déjà sur une autre planète web…
Pour optimiser le débit, différentes technologies sont utilisées et le cuivre encore présent à Mayotte est peu à peu remplacé par de la fibre optique qui permet d’avoir un rendement jusqu’à 1 Gigabit. Pour donner une idée, un film basse définition sera chargé en 6 heures avec le bas débit, comme c’est encore le cas dans le sud le l’île, en 46 minutes en haut débit (2Mgbs) et en 56 secondes avec le très haut débit (100 Mgbs). L’écart pour un film en haute définition est de 34 heures à 5 minutes…
Un rêve pour les audiences du tribunal administratif aux images saccadées qui ne permettent pas un rendu serein des décisions de justice, un graal pour le Centre universitaire dont beaucoup de cours de licence et maitrise sont en visioconférence.
« Le très haut débit laisse libre cours à l’innovation », résume Feyçoil Mouhoussoune, « mais il devient aussi indispensable avec des marchés publics qui demandent une réponse dématérialisée depuis janvier 2015 », complète en écho Faouzat M’Li, directrice du numérique au conseil général.
Haut débit annoncé dans le sud de l’île
Mais justement, la directrice adjointe du CUFR était présente et faisait remarquer que le très haut débit risque de frapper dans le vide si une partie du public reste étrangère au TIC et ne maitrise pas mieux les instruments. Un point sur lequel le directeur d’OPCALIA ne pouvait qu’être d’accord, tout prêt qu’il est à former.
Pour Faouzat M’Li, « l’appétit vient en mangeant », en relevant qu’une partie de la population s’est naturellement mise au portable et à Facebook, « parce que les technologies étaient là. Pour dresser un parallèle, s’il n’y a pas d’avion, vous ne risquez pas de voyager, ni d’en avoir envie ! ».
Ce plan de bascule vers le très haut débit correspond à l’arrivée de fonds européens. Mais à Mayotte, où le taux de bénéficiaires du haut débit est estimé à 57%, la tâche est vaste. Tout d’abord en raison du retard technique et technologique, « un retard de 20 ans », avec un haut débit qui touche l’ile il y a à peine deux ans et demi par le câble sous-marin LION 2 de France Télécom-Orange. Mais aussi parce que le sud de l’île n’en bénéficie pas, privé de fibre optique.
Ils seront heureux d’apprendre que le Schéma directeur mené depuis plusieurs années par le conseil général sur l’aménagement du numérique (SDTAN) lance fin mars un marché à 3 millions d’euros, « les travaux devraient démarrer 10 mois après », selon Faouzat M’Li qui vise une couverture en ADSL à 95% du territoire d’ici 2018.
Comme il faut bien commencer par un bout, ce sont les zones économiques ou industrielles qui seront desservies en premier par le très haut débit : services administratifs, Education nationale, communes, dispensaires.
Mais on connaît le nerf de la guerre : « avec un câble unique, on est fragilisé, et dépendant des tarifs élevés pratiqués par les opérateurs Orange et SRR (SFR La Réunion)», explique Faouzat M’Li. Un travail est en cours avec la préfecture, « une étude pilotée par la Mission très haut débit », annoncée pour le mois d’avril à Mayotte.
Mais la qualité des liaisons internet même était mise en cause. Elle vient selon André Girardeau, STOI, de la technique de vente : « un opérateur peut vendre une connexion de 10 Mégabits à 10 clients, tout en n’en possédant que 10. Il espère que tous ne vont pas se connecter en même temps. Pour cela, il souscrit une offre auprès d’un autre opérateur : il lui en coutera 5 euros par mégabit en métropole, mais 100 euros à Mayotte… 20 fois plus ! ».
Des réseaux à fort débit annoncés par Orange
Il explique que le consortium composé notamment de Orange et SRR qui a financé l’installation du câble LION 2, vend très chèrement le passage de bande passante aux autres opérateurs, « pour rentabiliser l’investissement. Même à SFR Mayotte ! » Il faisait d’ailleurs remarquer qu’un deuxième câble ne ferait que reproduire ce schéma d’un investissement à amortir, avec un coût élevé à la clef.
Parmi le public, un intervenant appelait de ses vœux la création d’un GIX à Mayotte, un nœud d’échange entre opérateurs qui s’entendent sur les volumes de transaction de leurs clients respectifs.
Le représentant d’Orange de son côté avouait qu’une rentabilisation des investissements était nécessaire, mais annonçait l’arrivée « d’ici quelques semaines, de réseaux mobiles 4G et Edge, au débit trois fois plus rapide que la moyenne ».
Un problème de coût, donc d’investissement, qui freine le développement de e-technologies. André Girardeau ne voit que deux solutions : « il faut une volonté publique de faire baisser les coûts… ou la patience : avec le temps et l’amortissement du matériel, les prix finiront par baisser. La preuve, à La Réunion où ils ne sont « que » deux fois moins chers qu’ici ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte