L’installation du nouveau président du tribunal de grande instance a permis à Joël Garrigue, le procureur de la République, de dresser un bilan de l’activité judiciaire et sécuritaire de l’année écoulée à Mayotte. Des chiffres parfois «préoccupants».
Alors que Carine Fontaine devient vice-présidente du tribunal de Mayotte chargée des enfants, le procureur de la République, Joël Garrigue, expliquait ce mardi matin qu’il s’agit d’une fonction «qui n’est pas de tout repos». Car il semble qu’une des particularités de la délinquance mahoraise se confirme : elle est souvent le fait de très jeunes gens.
Joël Garrigue a profité de l’installation des nouveaux magistrats pour livrer les premières données sur la délinquance à Mayotte en 2014 et une confirmation : parmi les personnes mises en cause identifiées dans des crimes ou délits, 35% sont des mineurs et ils sont même 60% impliqués dans les cambriolages, «des chiffres nettement au-dessus de la moyenne nationale».
«Mais peut-on attendre autre chose dans le département le plus jeune de France ?» interrogeait le procureur qui livrait un chiffre inédit : en 2014, on a comptabilisé 3.430 jours de prison pour des mineurs à Mayotte, ce qui fait une moyenne de 10 mineurs incarcérés chaque jour dans notre département, même si «leur emprisonnement n’est pas la solution». Seules l’éducation et la capacité à offrir aux mineurs d’autres perspectives peuvent changer le cours de leur vie.
En attendant, une centaine d’auteurs supplémentaires de dégradations de biens a été présentée au juge des enfants en 2014.
La PJJ, protection judiciaire de la jeunesse, s’est vue confier 543 jeunes en 2014, «un chiffre supérieur à celui de 2013 et que je prédis inférieur à celui de cette année», estimait le procureur. En 2014, un foyer TAMA a vu le jour ainsi que l’observatoire de l’enfance en danger. Quant à l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, elle a recruté mais «beaucoup reste à faire».
Atteintes aux personnes : augmentation préoccupante
Concernant les chiffres généraux de la délinquance, on assiste à «une baisse du rythme de la hausse», ne peut que constater le procureur. La délinquance de proximité, celle qui touche au premier chef, augmente de 6,25% en 2014 après une hausse de 24% en 2013.
Les atteintes aux personnes ont représenté un quart des crimes et délits en 2014 et sont en «augmentation forte et préoccupante». Le procureur l’associe à l’arrivée d’une drogue de synthèse qui pourrait s’apparenter à du bangué mais dont les effets se rapprochent plutôt de ceux du crack. En 2015, sous la direction de la procureure Prampart, des stages de sortie d’addiction vont se mettre en place comme alternative à une peine pour les consommateurs.
Concernant les violences sexuelles, «le nombre de plaintes est très faible» estime le procureur qui note que le poids social et familial est encore lourd même s’il espère une prise de conscience. Il souhaite ainsi la création d’un lieu pour l’audition et la prise en charge des victimes et particulièrement des mineurs pour libérer la parole.
Ne pas déposer plainte, c’est se rendre complice
Mais s’il y a un chiffre dont le procureur pense qu’il «mérite qu’on s’y arrête», c’est celui des cambriolages. Car il est clairement orienté à la baisse avec -15% en 2014. Est-ce la conséquence du renoncement des Mahorais à déposer plainte ? Joël Garrigue ne le pense pas. Et il rappelle que les politiques publiques et en particulier les moyens en hommes et en crédit sont décidées en fonction du nombre de plaintes. Ceux qui ne déposent pas plainte «deviennent des complices» de leurs cambrioleurs, affirme le procureur.
Il nous incite également à relever les numéros de série des appareils que nous possédons, en particulier électroniques, pour permettre ensuite une identification et ainsi éviter la «brocante» annuelle aux objets volés saisis mais dont les propriétaires n’ont pu être identifiés par les forces de l’ordre.
Des médiateurs de prévention
Parmi les grands chiffres dévoilés ce mardi matin, on notera également l’évolution du nombre de gardes à vue (+18%) ou encore la résolution des faits de violence qui atteint les 50%.
Au final, ce sont plus de 2.000 procédures qui ont été lancées à Mayotte après un dépôt de plainte (+20% sur un an).
Enfin, en 2014 le procureur avait tenté d’impliquer les communes dans la lutte contre la délinquance. Si «une demi-douzaine» de protocoles pour réaliser des «rappels à l’ordre» ou des «transactions» a été signée, il va falloir «faire vivre ces conventions» en 2015 indique le procureur.
Enfin pour finir, une bonne nouvelle : l’Etat s’apprête à envoyer des médiateurs en matière de prévention de la délinquance dans notre département.
RR
Le Journal de Mayotte