Si la métropole frôle la déflation, Mayotte, avec 0,2% en janvier, arrive à se maintenir avec une consommation malgré tout fragile. C’est que la conjoncture n’est pas la même, avec un rattrapage des prestations sociales toujours en cours pour notre île.
Plus les mois passent, plus la hausse des prix se fait minime à Mayotte. Avec les 0,2% d’augmentation pour ce mois de janvier, c’est une inflation de 0,2% qui est enregistrée sur les douze derniers mois, souligne l’INSEE dans son dernier bulletin, là où elle était encore de 0,9% sur l’année 2014.
Et encore, elle est portée par les prix des services (+1,8%) qui traduisent la révision à la hausse des tarifs des frais postaux et d’assurances de début d’année, et qui entraînent derrière eux ceux des transports et communications.
Sur l’ensemble de la France, on assiste à une baisse des prix de 0,4% sur les douze derniers mois. Et l’on commence à entendre parler de déflation. Un terme craint pour la spirale négative qu’il induit. Une baisse des prix entraine en effet une baisse des marges des entreprises qui n’investissent plus et n’augmentent plus les salaires, provoquant une baisse de la demande, et donc des prix. Les entreprises et les ménages ont alors du mal à rembourser leur dette, et diffèrent leurs achats, espérant une nouvelle baisse des prix.
C’est l’économie dans son entier qui chute, comme ce fut le cas au Japon à la fin des années 90.
Des viandes et volailles en baisse
A Mayotte, on n’en est pas encore là. La déflation n’est reconnue que lorsque les prix de l’ensemble des biens, en sortant les trop volatils prix de l’énergie, chutent. C’est « l’inflation sous-jacente ». On sait que ces derniers ont perdu depuis le mois de juillet, et la baisse continue en janvier, -3,7%, en particulier, les prix du supercarburant et du gazole diminuent respectivement de 10 et 8 centimes d’euro par litre, induisant un recul sur l’année de 7% des prix du carburant à Mayotte.
Si l’on regarde les autres produits donc, on voit quand même que les produits alimentaires qui sont toujours très élevés sur l’île, et qui ont toujours porté l’inflation mahoraise, voient en janvier leur prix baisser de 0,7%, « après trois mois de hausse », souligne l’INSEE qui précise que cette baisse s’explique principalement par les viandes et volailles (- 3,7 %).
A contrario, les prix des produits céréaliers et des poissons progressent respectivement de 2% et 1,3%. Sur un an, les prix des produits alimentaires augmentent de 1,8% à Mayotte alors qu’ils reculent de 0,2% en France.
Peu de marges de manœuvre
Le prix du tabac est en hausse de 1,2% en janvier. Depuis janvier 2014, il augmente de 1,9 %. Les prix des produits manufacturés baissent de 0,1% en janvier (- 1,4 % sur an). Les tarifs reculent notamment de 1,8 % pour le poste « audiovisuel, photo et informatique ». Les prix de l’habillement et chaussures baissent aussi (- 0,2 %). En revanche, les prix des meubles augmentent (+ 0,6 %).
Si en métropole, comme dans les pays de la zone euro, l’inquiétude est légitime, c’est que les solutions ne sont pas nombreuses. Lorsque l’économie est morose, et que des prix bas ne peuvent la relancer, les Etats peuvent insuffler un dynamisme en relançant la dépense publique, comme le fit le plan d’investissement européen Junker. Mais la politique d’austérité engagée sur pression de l’Europe ne laisse pas beaucoup de marges de manœuvre à la France, et le gel des salaires des fonctionnaires participe à freiner la demande.
C’est la différence avec Mayotte où l’avenir est tourné vers 2025 et le rattrapage des prestations sociales, et que l’indexation des salaires de 40% est peu à peu mise en place, notamment sur une tranche de fonctionnaires locaux qui n’y avaient pas accès.
Même si notre île ressent les contrecoups d’une baisse des investissements en métropole, et que sa consommation s’est infléchie, elle devrait malgré tout être une poche de résistance au milieu de la morosité ambiante. Le taux d’inflation de février sera une indication de son orientation.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte