Le vice-rectorat de Mayotte a évolué au fil des années sur la place des langues locales dans l’enseignement. Il faut dire qu’elles sont reconnues partout ailleurs. A Mayotte, des difficultés inhérentes au territoire subsistent.
« A compter de la session 2013 des baccalauréats général et technologique, les candidats pourront s’inscrire en occitan à toutes les épreuves de deuxième ou troisième langue vivante, obligatoires ou facultatives, prévues pour leur série »… A quand la même annonce pour le shimaoré ou le shibushi ?
A Mayotte, 30% des élèves de 6e ne savent pas lire le français. La question de savoir s’il faut dispenser l’enseignement dans la langue de compréhension se pose alors. George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, de passage à Mayotte l’année dernière, avait indiqué que la loi Peillon autorisait les enseignants à s’appuyer sur les langues régionales.
Même si cette loi a subi quelques modifications au gré des ministres de l’Education nationale successifs, on est bien loin de la posture du vice-rectorat de Mayotte d’il y a 5 ans, qui restait hermétique au colloque international qui rassemblait sur notre île en mai 2010 quelques pointures sur le thème « Plurilinguisme, politique linguistique et éducation. Quels éclairages pour Mayotte ? »
Et des essais d’enseignement en langue locale sont actuellement pratiqués dans le premier degré à Mayotte.
Un décret avait été pris en 2001 pour utiliser en France la langue régionale comme langue d’enseignement dans les écoles, collèges et lycées, dans les académies qui avaient pris leurs dispositions, comme Aix-Marseille, Bordeaux ou les départements d’outre-mer d’alors. Mais le Conseil d’Etat a annulé ces dispositions.
Il est toutefois possible de passer une épreuve obligatoire du baccalauréat, selon un arrêté de janvier 2006, dans les langues régionales que sont le basque, le breton, le catalan, le corse, le créole, les langues mélanésiennes, l’occitan et le tahitien.
Outre ces langues, le gallo, les langues régionales d’Alsace et les langues régionales des pays mosellans peuvent donner lieu à une épreuve facultative.
Il est d’ailleurs surprenant que peu d’élèves choisissent cette option qui peut pourtant leur rapporter des points supplémentaires. A ce jeu de langues, c’est l’alsacien qui est le plus prisé, le breton n’ayant attiré que 325 candidats en 2013.
En shimaore dans le texte
Seront-elles un jour détrônées par le shimaoré ? C’est possible tant les demandes sont fortes. Dans un premier temps, il s’agit d’être mis sur un pied d’égalité avec les autres départements d’outre-mer dont les langues sont représentées au Bac.
Justement, une réunion se tenait ce mercredi soir en métropole à la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) à ce sujet, à laquelle assistait la vice-recteur de Mayotte. Car un problème se pose, comme l’explique au JDM la représentante de l’Education nationale à Mayotte Nathalie Costantini : « celle de la transcription écrite des deux langues locales, le shimaore, d’origine bantoue, et le shibushi, malgache-sakalave ».
La culture essentiellement orale prive ces langues vernaculaires d’écrits, pourtant indispensables pour les intégrer à la liste des langues régionales. « Surtout qu’il existe trois types de transcriptions différentes, dont celle de l’association Shime, et une autre proche de l’arabe, qu’il va falloir essayer de concilier », poursuit Nathalie Costantini.
Jusqu’à présent, les efforts étaient tendus vers un apprentissage du français coûte que coûte. Les échecs scolaires répétés de nos jeunes mettent la pression sur une recherche de solutions.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte