Interdiction d’exercer dans la fonction publique et un an de prison avec sursis. La justice sanctionne en appel une fonctionnaire du conseil général qui avait attribué, hors de ses compétences, un marché public contre un pot-de-vin.
CARNET DE JUSTICE DU JDM. Les procédures du conseil général en matière de marchés publics sont claires. Seules deux personnes peuvent signer les documents attribuant des lots de plus de 50.000 euros : celles du président et du directeur général adjoint (DGA) chargé de ces dossiers. La manœuvre frauduleuse imaginée par cette cadre A du conseil général n’avait donc aucune chance d’aboutir. «C’était obligé que cette affaire sorte», soulignait le président Schmitt qui instruisait le dossier en appel face à la femme élégante venue se justifier.
Le 21 mars 2011, cette fonctionnaire a pourtant usurpé la signature du DGA pour attribuer le marché du réaménagement de la plage de Tanaraki à une petite entreprise de Sada pour un montant de 110.000 euros. Et ce «contrat» fait l’objet d’une contrepartie : l’entreprise de Sada doit verser un pot-de-vin de 9.000 euros à la fonctionnaire.
Un marché déjà attribué
L’entrepreneur va rapidement se faire entendre auprès des services du conseil général. Il se plaint des retards de la mise en route du chantier malgré le versement de la commission. C’est alors qu’il se rend compte qu’il s’est fait leurrer car à Tanaraki, les travaux ont commencé. En réalité, ce marché était déjà attribué en bonne et due forme par les services du CG.
«J’ai fait ça parce que j’avais besoin d’argent», explique la fonctionnaire dont le mari est également entrepreneur du bâtiment. «Vous touchiez 2.500 euros par mois, c’est un très bon salaire à Mayotte d’autant que vous êtes propriétaire de votre maison», relève le président.
Une cadre peu exemplaire
Problème : son passé semble aggraver son cas. Elle a déjà deux mentions à son casier judiciaire. Elle a été condamnée en janvier 2012 à un stage de citoyenneté par le tribunal de Saint-Denis (La Réunion) pour vol et escroquerie, puis en août 2012 à trois mois de prison avec sursis et 1.000 euros d’amende (dont elle n’a payé que la moitié) pour des vols et des contrefaçons portant sur une bonne trentaine de chèques.
«Escroqueries, falsifications… Pour un cadre A de la fonction publique ça pose encore plus de problèmes que pour d’autres personnes, vous ne trouvez pas ?» interroge le président.
Depuis, l’entrepreneur a été condamné pour corruption active à 4 mois de prison avec sursis.
La fonctionnaire est suspendue de ses fonctions et ne perçoit que la moitié de son salaire, la collectivité attendant le jugement de l’audience en appel pour décider du sort qu’elle allait lui réserver.
Lors de l’examen de l’affaire la semaine dernière, le procureur Ampuy avait demandé une peine d’un an de prison avec sursis et l’interdiction d’exercer dans la fonction publique à titre définitif. Et c’est précisément cette interdiction que contestaient en appel la fonctionnaire et son avocate Me Cooper. «Elle est dans la fonction publique depuis longtemps», a plaidé son avocate. «Elle est partie du bas de l’échelle, elle s’est formée, elle s’est investie dans son métier. Dans cette affaire ahurissante, elle a mis ses intérêts en péril pour répondre aux demandes financières de son mari.» Mais l’argument d’une femme qui se fait avoir par les hommes, comme lors de ses précédentes condamnations, ne va pas porter.
Le jugement est tombé, hier jeudi 12 mars. Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur, la femme ne pourra donc plus être fonctionnaire. Il faudra maintenant qu’elle construise une nouvelle vie professionnelle et peut-être qu’elle fasse plus attention aux hommes qu’elle fait entrer dans sa vie. Depuis l’affaire, elle s’est séparée de son compagnon.
RR
Le Journal de Mayotte