Avoir envie de réussir la formation de sa population sous-entend de l’aborder en coordonnant tous les acteurs qui devront démontrer leur compétence. Tels sont les enjeux que devra relever le futur conseil départemental (ex-général).
Le titre évoque à lui tout seul le paradoxe de ces nouveaux « départements-régions » inaugurés en 2011 par Mayotte. La formation professionnelle est en effet de la compétence des conseils régionaux en métropole. Repris donc par notre département qui doit jouer les deux rôles, ce qui explique aussi les difficultés à surmonter.
Ce n’est pas faute de l’écrire, de l’entendre, de le comprendre, on vous l’a dit : la formation est un « enjeu stratégique » pour Mayotte. Une expression qui hérisse le poil de William Adousso, le directeur du Centre de Formation Aloalo, « c’est un bien grand mot pour une préoccupation quotidienne ».
Il revient, pour nous parler de sa profession, aux fondamentaux, « à ces personnes qui n’ont pas d’emploi, pas de diplômes, souvent des femmes seules, avec enfants, et qui décrochent ». Le champ d’action de la formation dite « initiale », qui suppose une cohérence dans la démarche du conseil général, futur départemntal : repérer ces personnes, identifier leurs besoins et les orienter vers la formation ou vers l’insertion en emploi s’ils en sont aptes.
Ce qui suppose aussi qu’au bout du chemin, ça suive : « des entreprises susceptibles d’embaucher et des acteurs qui aient envie d’entreprendre et de mobiliser les moyens ».
Ne pas sauter une étape
Avec le Diagnostic territorial stratégique de novembre 2012, les élus ont une feuille de route qu’ils doivent maîtriser et décliner en fonction des besoins : priorité à la création d’entreprises ou aux titres professionnels pour les exclus ou à une insertion hors Mayotte… Ce qui implique une volonté politique forte, « surtout une conscience des enjeux et de pouvoir s’appuyer sur son administration ».
Ensuite, pour chacun des objectifs retenus, un travail doit être entrepris avec les partenaires de la collectivité, « par exemple avec LADOM pour l’insertion à l’extérieur du territoire, mais également Pôle emploi, la Mission locale, la Dieccte », énumère William Adousso.
Une synergie des acteurs qui permet de rendre visible la chaîne d’accompagnement : le repérage par le Conseil général, l’orientation pas les partenaires cités et l’organisation d’une formation adéquate pour finir.
Un monde idéal qui suppose la compétence de chaque acteur, celle des partenaires Pôle emploi et Mission locale qui doivent appréhender les cahiers des charges de l’ensemble des organismes de formation, mais aussi de ces derniers qui doivent se doter de formateurs au niveau.
« Si l’un flanche, tout le système est bloqué »
« L’adhésion à l’Europe permet de compter sur une manne financière avoisinant les 60 millions d’euros, davantage même avec le complément des fonds de l’Etat. Mais les exigences sont aussi importantes que ces sommes, les acteurs doivent tous monter en compétence. Si l’un flanche, tout le système est bloqué », et les fonds repartiront d’où ils sont venus.
Si malgré les moyens injectés jusqu’ici, le taux de chômage est toujours aussi élevé sur le territoire, c’est qu’il manque une volonté politique autant qu’une vision d’ensemble : « on veut faire du coup par coup, sans logique cohérente. On recrute vite, on veut des résultats rapides, quand ils ne seront récoltés que dans 4 ou 5 ans mais il faut avancer de manière coordonnée ».
Le transport collectif facilitateur
Un exemple qui illustre le désordre ambiant : l’absence de transport collectif. Une des causes de désertion des nombreux stages proposés par le Conseil général, le coût des taxis depuis le sud étant prohibitif : « l’option a été prise de rapprocher les formations des lieux d’habitation, mais l’utilisation de transports en commun semble plus rationnelle. »
L’insuffisante indemnisation perçue par les stagiaires est souvent évoquée par la profession comme un frein à la présence des stagiaires. Un élément non essentiel pour William Adousso, « et qui dépend de toute manière de l’évolution des prélèvements des cotisations sur salaire ».
Il y a urgence à occuper les jeunes pour le formateur, « que plus un seul ne reste dehors sans rien faire ». Leur donner envie, c’est aussi le rôle des élus communaux, « certaines formations ne sont pas adaptées à leur parcours ». D’où la nécessité d’un travail en concertation.
Une situation « pas alarmiste, mais préoccupante », qui appelle à se retrousser les manches, « surtout que des dispositifs de plus en plus complexes nous arrivent en matière de normes »…
On retiendra donc l’ambition collective comme la clef de résolution de tous les soucis de la formation professionnelle à Mayotte, et que devra impulser le futur élu départemental qui en aura la charge.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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