Les sceptiques se remémoreront les heures qu’ils ont passées en classe essayant de comprendre à quoi une identité remarquable allait bien pouvoir leur servir dans la vie. La semaine des mathématiques est destinée aussi à ça : rendre attractive cette matière souvent nébuleuse. Leur utilité à la navigation maritime était le thème d’une conférence destinée aux terminales.
Différents challenges se déroulent actuellement à Mayotte : une course aux nombres rassemblant autour du calcul mental tous les élèves de primaires et de collèges, les Olympiades de mathématiques où 160 élèves concourent sur un sujet de quatre exercices, deux nationaux et deux liés à l’académie.
A Kahani où des activités sont proposées autour des échecs, les lycéens de terminale STI2D (Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) et SSI (Sciences de l’ingénieur), ainsi que les Bac pro, avaient droit ce mercredi à une conférence sur les « Mathématiques et la navigation ».
Une demande du vice-rectorat, que Serge Paronneau, professeur de mathématique au Centre Universitaire de Dembéni fraîchement arrivé, a choisi mettre en forme selon ses deux passions nommées dans le titre de la conférence.
Il prendra le thème par le départ : comment connaître sa destination ? Il a fallu dompter la courbure de la Terre pour la transcrire en une surface plane avec des points de repère constituant l’armature d’une carte. La projection de Mercator permet justement d’intégrer le globe terrestre dans un cylindre, et d’en projeter les points en prenant comme repère le centre de la terre, pour ensuite dérouler le cylindre et, après correction, en obtenir une carte.
Pas une histoire de gros bras
Il en découlait la problématique d’aller d’un point A à un point B par le plus court chemin, la loxodromie. Ce que font un avion ou un navire qui gardent le même cap pendant tout leur trajet. La notion de GPS était aussi abordée, « utile à terre comme en mer », et celle de la vitesse limite d’un bateau, « qui dépend presque exclusivement de sa longueur à la flottaison ».
« Vous pouvez avoir de gros bras, si votre bateau est moins long que celui de votre frêle copain, ce dernier ira malgré tout plus vite ». Et exemple personnel à l’appui, Serge Paronneau raconte avoir dépassé sur le lagon et à bord de son kayak de 6m une pirogue de 4m, « avec quatre gaillards à bord », pour avoir atteint très vite sa vitesse limite « qui est de toute manière supérieure à 2km/h environ à celle de la pirogue ».
Un exercice qui pouvait passer pour de la vulgarisation, mais avec un constant rappel aux équations, V=2,4 √L, rappelait-il.
On entendait une mouche voler dans la salle, excepté pour quelques questions quand il s’agissait de chercher comment aller plus vite, « en déplaçant les poids à l’intérieur de bateau ? ». « Il cognera moins à la mer, mais sa vitesse limite restera la même ». Pour multiplier la vitesse par deux, les élèves auront compris qu’il faut six fois plus de puissance, « avec le risque que la coque ne résiste pas ».
Catamaran solaire
Une seule solution rallonger le bateau, ce que certains architectes de marine ont fait en ajoutant un bulbe à l’avant des navires de commerce, ou en rallongeant le tableau arrière des voiliers, « c’est un peu le même procédé que pour le mur du son ».
Conclusion, quand on navigue, avoir la bosse des maths, c’est un plus ! Côté historique, si l’on parle de jauge et de tonneaux pour un bateau, « c’est qu’il s’agissait de savoir exactement combien de tonneaux de marchandises pouvait transporter un navire ».
A la sortie, certains élèves semblaient ailleurs, d’autres n’en ont pas perdu une miette : « c’est hyper utile pour le projet qu’on m’a imposé au Bac sur la construction d’un catamaran solaire. Il faut respecter un cahier des charges et nous allons être attentifs à la longueur à la flottaison et à la constitution de la coque qui peut être un frein », témoigne Nizar.
Pour Soibahadine, c’est le cap fixe et variable qui lui a plu, « je vais aller sur internet pour approfondir. J’aime les maths en général, et les formules mentionnées sont aussi valables dans l’aérien, secteur où j’ai envie de travailler ».
Serge Paronneau va transporter son vidéo projecteur, ses formules et son rêve d’océan vers d’autres établissements : jeudi 14h et vendredi 13h au lycée de Mamoudzou, et au lycée de Dembéni vendredi à 10h20.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte