L’édition 2015 du Sidaction est prévue ce week-end. Mayotte n’est pas encore intégrée dans cette vaste opération. Pour autant, dans notre département aussi, les choses avancent sur le front du Sida.
Mayotte commence à sortir du déni du sida. Les mentalités évoluent, un an et demi après le coup d’éclat de l’association Narike M’sada, qui s’affichait, pour ses 10 ans, sur les murs de Mayotte. «Avec cette campagne, une soixantaine de personnes avaient accepté de prêter leur image pour porter un message de prévention. C’était vraiment nouveau de trouver autant de gens qui jouent le jeu. On commençait à sortir de la honte qui entourait la maladie», se souvient Moncef Mouhoudhoire, président de l’association.
Les choses pourraient continuer à changer rapidement. Ce vendredi, à la veille de l’édition 2015 du sidaction, à Mayotte, l’association Narike M’sada sera reçue par l’Agence régionale de santé (ARS). Elle va y déposer un projet pour que l’association ait enfin les moyens d’investir complètement les missions que l’on peut attendre d’elle.
Trois axes semblent importants à l’association. D’abord, le renforcement du dépistage avec le lancement du test rapide qui est une demande ancienne de l’association. «Deux bénévoles ont suivi une formation. Nous espérons maintenant l’habilitation de l’ARS», relève Moncef Mouhoudhoire.
Le deuxième point consisterait à développer la communication : «Je suis convaincu qu’il faut arriver à décliner les campagnes nationales localement, les adapter pour qu’elles soient réellement efficaces», explique Moncef Mouhoudhoire.
La proximité du message
Au-delà des campagnes, l’association aimerait se rapprocher des associations de femmes qui sont des endroits où la parole circule souvent librement. Il y est possible de faire passer des messages.
Toujours dans cette volonté de proximité, «on pourrait aussi développer des interventions dans des entreprises pour peu qu’elles acceptent de dédier une heure à la sensibilisation de leur personnel», de la même façon que l’association intervient, comme l’IREPS ou d’autres acteurs dans les établissements scolaires.
«On pourrait y aller tous les jours mais actuellement, on n’est pas crédibles dans la mesure où l’accès aux préservatifs est très difficile», nuance Moncef. «En dehors des pharmacies et de Jumbo, on ne sait pas où on peut trouver des préservatifs». Au-delà même de la question du prix, dans les villages de Mayotte sans pharmacie, il est impossible de trouver des capotes.
200.000 préservatifs par l’IREPS et le CHM
L’IREPS a été missionné par l’ARS pour réfléchir à comment améliorer cet accès aux préservatifs. On évoque des distributeurs en extérieur, avec le risque qu’ils soient vandalisés, ou encore le réseau des doukas. Narike M’sada se souvient d’une expérience qui avait permis aux épiceries de proposer des préservatifs à la vente. «Ça avait dédramatisé le préservatif et cette proximité avait permis de toucher un public qu’on ne pensait pas atteindre : les adultes.»
Actuellement, entre autres acteurs concernés, le CHM importerait 140.000 préservatifs par an et l’IREPS 60.000… «Mais le vice-rectorat tape dans ce stock destiné aux associatifs pour ses infirmeries scolaires. Le vice-rectorat devrait être en mesure d’acheter ses propres préservatifs», s’emporte Moncef.
Deux infectiologues à l’hôpital
Enfin, dernier point pour l’association, améliorer l’accompagnement des patients qui vivent avec le VIH, particulièrement sur le plan psycho-social.
«Depuis le début de l’année, un logiciel est mis en place qui va permettre un meilleur suivi de l’épidémiologie et une bonne coordination entre le laboratoire privé, le CHM et le centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG). Il faut aussi saluer l’effort du CHM qui a permis à deux infectiologues de s’occuper de la file active. Depuis 3 mois, une infirmière fait aussi le lien entre le CDAG et l’association.»
Un peu moins de 200 personnes vivant avec le VIH sont actuellement suivies à l’hôpital, un chiffre que l’on peut soupçonner de ne pas refléter la réalité de la maladie à Mayotte. Par exemple, 61% des patients dépistés sont des femmes enceintes… Il manque donc de façon évidente des hommes.
«Les Mahorais sont de plus en plus sensibles aux discours de santé publique en général et sur le VIH particulièrement. Il ne tient plus qu’à nous de nous mobiliser autour de la prévention et de redoubler d’efforts», conclut Moncef Mouhoudhoire. Et la première mobilisation, c’est ce week-end, via les médias, pour le Sidaction.
RR
Le Journal de Mayotte