La case Rocher avait presque un air de rentrée des classes ce vendredi matin : deux sous-préfets fraîchement arrivés, barbus tous les deux, se présentaient à la presse, donc à la population de Mayotte.
Guy Fitzer tout d’abord, 50 ans en avril, fut le premier à arriver dans l’île il y a un mois et demi. Il succède à Sylvie Especier en tant que secrétaire général adjoint et sous-préfet à la cohésion sociale. Alain Faudon ensuite, a pris à 57 ans ses fonctions de Secrétaire général pour les affaires régionales le 9 mars.
Ce sont donc deux hommes expérimentés qui arrivent à Mayotte, le second ayant déjà travaillé avec le préfet Morsy par le passé.
Les grands chantiers, Guy Fitzer connaît : son dernier poste de sous-préfet de Saint-Jean de Maurienne l’a amené à suivre pendant deux ans et demi l’ancrage territorial du tunnel Lyon-Turin, étiqueté « plus important que le tunnel sous la manche ». Mais ce sont d’autres difficultés qui l’attendent, en matière de cohésion sociale surtout, sur un territoire qui en a les ressorts, mais mal exploités : « j’ai souhaité ce poste, pour ouvrir sur de nouvelles perspectives professionnelles, et je me suis aperçu de l’enjeu énorme de ce secteur pour le territoire ».
Il a déjà rencontré les principaux DGA des collectivités et énumère les chantiers à mener en dehors de la cohésion sociale : les constructions scolaires, sur lesquelles un point sera régulièrement fait par la préfecture, la santé, la restauration collective, l’insertion professionnelle « qui découle de la qualification ». « Il faut mettre un bon coup sur ces cinq à dix années », indique-t-il.
Épauler les villages
Il arrive pour poursuivre et clore le travail en cours sur la politique de la ville, une des marottes du préfet de Mayotte. Elle couvrira les 17 communes, « qui signeront d’ici fin mai les contrats de ville ». Avec des financements Etat à hauteur de 2 millions d’euros, ils sont censés aider les acteurs territoriaux dans la mise en place de politiques, alors que plusieurs communes n’ont rien planifié dans ce domaine. Ils ne sont pas formels, et peuvent donc adapter les spécificités mahoraises.
Ils couvriront 37 villages et trois quartiers, soit 180 000 habitants, « pratiquement la totalité de l’île », mais les maires devront se l’approprier par le biais des Comités de la politique de la ville. Des maires que Guy Fitzer a déjà rencontrés, « il s’agissait davantage de visite de travail que de courtoisie ». C’est que le temps est compté, ils doivent tous être signés avant le 30 juin 2015, avec une clause de revoyure dans 3 ans, « pour dénicher les éventuelles incohérences ».
Le ton est donné, « Guy Fitzer a la générosité ferme et la ferme générosité », résumera Seymour Morsy, dans la droite ligne de son « proposez un projet, j’accompagne ». Le sous-préfet aura naturellement à gérer les fonds européens liés au social, FSE et IEJ et la partie sociale du contrat de projet Etat région. 170 personnes sont actuellement formées pour accompagner les porteurs de projets finançables dans ce cadre européen et 7 adultes relais sont nommés.
Enfin, en matière d’économie sociale et solidaire, que les textes ne permettent pas tout à fait d’appliquer à Mayotte, « on attend l’adaptation du Code du travail pour notre territoire d’ici la fin de l’année ».
Et recadrer le monde économique
C’est un ancien inspecteur de police, ancien directeur de la PAF (Police aux frontières de La Réunion) qui investit le poste de Secrétaire général pour les affaires régionales : mais Alain Faudon avance l’expérience de son dernier poste, « celui d’un secrétaire général d’une préfecture de 600 000 habitants (l’Eure, ndlr), avec les domaines aussi variés que l’emploi ou l’accompagnement économique ». Il a notamment encadré l’organisation du sommet du G8 à Deauville en 2011.
A Mayotte, il aura à sa charge l’autorité de gestion des fonds européens, que le département fraîchement formé a laissé à l’Etat sur la période 2014-2020, et du contrat de projet Etat région, qui déroulent les mêmes axes, mais sur lesquels le Conseil départemental devra abonder. Là encore il va falloir nouer des partenariats étroits : « il faut s’apprivoiser les uns les autres. » Avec une inquiétude : « les réponses aux appels à projet doivent être cadrées ». Il a déjà rencontré les banquiers, « ils sont favorables à l’accompagnement, notamment par la Banque Publique d’Investissement », assure-t-il.
Les grands chantiers s’appellent le port et l’aéroport, « mais aussi l’agriculture et la mer, où les acteurs doivent être plus actifs », rajoute le préfet, mais aussi la ressource en eau et l’assainissement sur le thème de l’environnement.
Enfin le tourisme, son grand hôtel toujours espéré, « 22 dossiers sont déposés sur le site de la Baie des Tortues, avec ouverture des plis ce mois-ci », et ses maisons et chambres d’hôtes. Si cette catégorie s’adapte à l’écotourisme mahorais, l’arrivée d’un grand hôtel tirera la formation vers le haut, « avec création d’emplois, appel aux entreprises locales et mise en valeur du périmètre proche, notamment l’artisanat mahorais ».
Deux profils différents qui permettront peut-être de booster ces deux domaines de l’économie et du social dont ont tellement de mal à se saisir les élus locaux.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte