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Bien qu’ayant déjà un parcours politique conséquent, la première vice-présidente du Conseil départemental ne parle pas pour ne rien dire. Et comme Fatima Souffou commence à peine à prendre connaissance des dossiers, après une élection mouvementée jeudi dernier, les échanges furent rapides. Et d’une voix toujours mesurée.
Il reste toujours un peu chez Fatima Souffou de la petite fille sage, « trop sage », appuie-t-elle, elle qui s’asseyait sur les bancs de l’école primaire de Dzaoudzi Labattoir. Elle est née le 9 septembre 1969 dans une famille de petits cultivateurs : le papa part à la pêche, pendant que les enfants accompagnent leur mère à la campagne cultiver un bout de terrain.
L’école, son père n’y est pas favorable, à cette époque-là, les filles n’y allaient pas forcément. C’est une femme, Salima, qui vient de Sada pour enseigner en Petite Terre, qui la prend sous sa protection dans sa classe, la fait participer et convainc ses parents. Il y a un peu de Pagnol dans ce début de parcours. Le collège est sur place, à Dzaoudzi, et le lycée à Mamoudzou, jusqu’au bout, conclu par un Bac G2.
C’est donc vers la gestion, option finances et comptabilité que la jeune femme s’oriente avec un DUT à Quimper. Une ville moyenne, pour privilégier son intégration, facilitée par la proximité d’un frère militaire à Vannes. Si les études sont financées par la bourse d’Etat complétée par celle de la collectivité, il faut ensuite rentrer à Mayotte pour aider une famille à la situation financière difficile.
RFO et son service comptabilité lui tendent les bras, puis la BFCOI. Fatima Souffou entre ensuite à la CPS (Sécurité sociale, future CSSM), où elle exerce encore maintenant comme responsable des relations sociales, après avoir été en charge de l’administration générale de la Caisse, ce qui devrait lui être utile. Elle s’applique à préciser que les formations et séminaires lui ont apporté expérience et maturité.
Le JDM : Pourquoi ne pas vous cantonner à ce parcours professionnel ? Quel sens donnez-vous à votre engagement politique ?
Fatima Souffou : « À Mayotte, dès que vous remettez un collier de fleurs, vous faites déjà de la politique ! Vous étiez soit sorodas (pro français), soit « serrer-la-main ». Bien que jamais au premier plan, ma mère a fait partie des femmes qui ont manifesté contre le départ programmé de la radio vers Moroni.
Je sais que c’est un monde où les insultes fusent, mais j’ai vite compris qu’il faut passer par la politique pour faire évoluer les choses.
Un ami m’a présenté Saïd Omar Oili dont je deviens la suppléante en 2001. Je suis entrée au bureau de l’Union de Labattoir devenu ensuite Nema.
Pendant 6 ans, je serai conseillère municipale d’opposition à Dzaoudzi, puis, en 2014, avec la victoire de Saïd Omar, je deviens adjointe au maire chargée du social, de l’emploi et de la formation. J’ai mis en place le Centre communal d’action sociale de Dzaoudzi qui est maintenant opérationnel. Les étendre à l’ensemble du département est l’un de mes objectifs.
Mais je suis aussi engagée dans le monde associatif, avec la présidence de l’Association culturelle Nouroul Hayati avec laquelle nous avons porté la parole de Mayotte en métropole, en Roumanie et en Italie en 2010. Sans oublier mon poste de manager de basket pour le club Mawa dans les années 80, la meilleure sélection de basketteuses mahoraises parties à La Réunion ! »
La 1ère vice-présidence, un fardeau ou un challenge ?
Fatima Souffou : « Une mission, même si elle est plus grande que les autres. Je sais que je peux m’appuyer sur le président Soibahadine que je retrouve pour avoir déjà travaillé avec lui, un homme rassurant, et sur Saïd Omar Oili, mon référent en politique ».
La charge de l’Administration générale, des infrastructures et des transports devrait vous revenir, c’est du moins ce que vous souhaitez. Quelles seront vos priorités ?
Fatima Souffou : « On vient de prendre la maison ce mardi. Il se dit beaucoup de choses, il faut d’abord travailler à un état des lieux. Il est évident que la priorité va à la maîtrise de la masse salariale, je prendrai les mesures nécessaires, mais il n’y aura pas de licenciements. Eventuellement des reclassements.
Du côté des infrastructures et des transports, il faut avant tout désengorger Mamoudzou, améliorer les transports maritimes avec pourquoi pas des navettes depuis Longoni. Mais encore une fois, je ne veux pas me prononcer sans avoir auparavant consulté un état des lieux. »
Comment avez-vous vécu les tractations préalables à l’élection du président ?
Fatima Souffou : « Pas trop mal, j’étais du bon côté ! Mais c’est stressant car on se dit qu’à tout moment ça peut basculer. Je ne vois qu’une chose : on a commencé à 16, on a fini à 16, et avec les mêmes ! C’est un signe qu’il y a de la conviction.
L’ambiance dans votre groupe ? Qui va assurer l’autorité ?
Fatima Souffou : « Une bonne entente, on redécouvre des amis d’école, des collègues de promotion. Il y a une cohérence. Le patron, c’est le président, c’est le commandant du bateau. »
Trois petites questions plus personnelles. Avez-vous un mentor ?
Fatima Souffou : « En dehors de Saïd Omar Oili, j’ai toujours été admirative de Christine Lagarde, la directrice du FMI. Elle est efficace sans faire de vague, on ne parle pas souvent d’elle dans les médias. »
Un livre qui vous a marqué ?
Fatima Souffou : « Les Tarzan que mes frères me passaient quand j’étais petite et avec lesquels j’ai appris à lire. Sinon, des ouvrages sur l’épanouissement personnel, notamment de Lise Bourbeau. »
Une musique ?
Fatima Souffou : « J’aime nos musiques traditionnelles comme le mgoundru, le magandja »
Un dernier mot ?
Fatima Souffou : « Je suis fière d’assurer cette mission et je remercie tous ceux qui m’ont aidé : ils sont la preuve de l’humanité en politique, que l’on peut soutenir quelqu’un sans rien demander en échange. Du coup, ma plus grande crainte est de les décevoir, de ne pas pouvoir, pour diverses raisons, arriver à réaliser ce que j’envisage. On entend tellement ‘ce sont tous des menteurs’… Si par malheur je n’y arrivais pas, ce n’est pas faute d’avoir voulu.
Je voudrais rendre aux autres ce que Salima m’a donné. »
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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