Planter, consommer et cuisiner du cannabis: des dossiers fumants face à la justice

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Une maman qui faisait des cookies avec le cannabis cultivé par son fils, un couple qui prenait soin de son «jardin botanique» importé d’Espagne sur le toit de sa case… On a parlé fumettes et plantations, à l’audience correctionnelle ce mercredi.

TGI KaweniCARNET DE JUSTICE DU JDM. Dreadlocks, pantalons larges, air nonchalant, Stéphane et Stéphanie sont venus au tribunal sans rien changer de leur allure. Ils devaient s’expliquer sur la découverte effectuée par les gendarmes au mois d’octobre dernier. Sur le toit de leur maison du sud, monsieur cultivait un petit «jardin botanique», 16 plants de cannabis qui atteignaient alors 80 centimètres de hauteur.
Stéphane avait fait venir les graines d’Espagne parce que, consommateur habituel avec 3 pétards par jour, il en avait marre de fumer du bangué, «de la merde», a-t-il expliqué aux enquêteurs.

A Mayotte depuis 13 ans, Stéphane partage sa vie avec Stéphanie qui ne sait rien et n’a rien vu. Face aux enquêteurs, elle s’étonne qu’il y ait des cultures sur le toit de sa maison. Elle est bien montée deux ou trois fois, mais il était tard, elle n’avait rien repéré de suspect. Elle fume occasionnellement, de façon festive, mais de là à imaginer une plantation de zamal sur son toit…

Planter peut coûter 20 ans

Entre grande honnêteté et mauvaise fois, le couple avait accepté de répondre aux gendarmes. Face à la juge Peyrot en revanche, comme c’est leur droit, ils vont garder le silence. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, la situation est à leur avantage. Bien sûr, planter du cannabis, «c’est une infraction criminelle passible de 20 ans de prison», rappelait la magistrate. Mais pour que la loi s’applique, il faut que l’enquête soit correctement menée.

Panneau salle d'audience TGI MamoudzouEt dans cette affaire, Me Charles Simon, leur avocat, avait débusqué suffisamment d’anomalies pour soulever des exceptions de nullité, autrement dit, demander l’annulation des perquisitions, des analyses et des auditions… bref, vider complètement le dossier, laissant le tribunal démuni, avec deux prévenus complètement muets face à lui.

Le dossier part en fumée

Premier problème, la perquisition. Elle ne peut être réalisée que par un officier de police judiciaire qui agit sous l’autorité d’un magistrat. «C’est une mesure coercitive forte, on rentre chez vous, on saisit vos biens…», rappelle Me Simon. Mais dans cette affaire, c’est un simple agent de police judiciaire qui s’y est collé… Perquisition annulée.

Annulée aussi les analyses des plants. Pour que la justice puisse condamner, il faut prouver qu’il s’agit bien de cannabis. Les enquêteurs ont utilisé un aérosol qui révèle la nature de la plante mais leur procès-verbal comporte une erreur. Sur le document figure une date antérieure de 4 jours à la saisie… annulation de l’analyse.

Porte de la salle d'audience du TGI de MamoudzouQue le couple ait déjà fumé, il le reconnait mais il est aussi impossible de prouver qu’il ait détenu et consommé pendant la période retenue dans cette affaire : aucune preuve, aucun témoignage… «On ne sait même pas si Stéphane ne s’est pas fait arnaquer en achetant ses plants sur internet ! Il n’a pas pu en consommer avant la saisie», plaide Me Simon.
Au final, le dossier est parti en fumée. Le couple est relaxé.

L’hélico repère la culture

Ce ne sera pas le cas, en revanche, un troisième homme, celui qui avait dénoncé le couple, et qui était lui aussi poursuivi pour ses propres plantations. Joseph était absent de l’audience car il a depuis déménagé dans la région bordelaise.
Chez lui, les gendarmes avaient trouvé 445 grammes d’herbe de cannabis séchée et 13 beaux plants qui mesuraient jusqu’à 1,5 mètre… Mais le prévenu en avait détruit une vingtaine après le passage de l’hélicoptère de la gendarmerie qui avait visiblement repéré la culture.

Joseph était venu se mettre au vert chez sa mère à Mayotte l’an dernier, après être tombé dans les drogues dures. Le cannabis l’aidait, en plus d’un traitement au Subutex, à sortir de la dépendance à l’héroïne.

Salle d'audience du TGI de MamoudzouChouette, maman fait des cookies !

Là encore, la façon dont a été menée l’enquête surprend. La mère de Joseph n’est pas poursuivie ni aucun autre consommateur : si on en croit un témoin, la famille avait pourtant lancé un petit business de beurre de cannabis avec lequel la mère et le fils fabriquaient des cookies. A 3 euros, les 5 cookies au cannabis, «c’est pas cher», fait remarquer malicieusement la juge Peyrot.

Joseph est condamné à deux mois de prison avec sursis, une mise à l’épreuve de 2 ans et une obligation de soins, «pour continuer à l’aider dans ses sevrages».

Dans les deux affaires, la cour a décidé de la confiscation des pièces sous scellés et de leur destruction.
RR
Le Journal de Mayotte

1 COMMENTAIRE

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