Au-delà du flot de faits divers auxquels nous sommes tous confrontés au quotidien, voici les données chiffrées de la sécurité à Mayotte en 2014, telles qu’elles ont été présentées hier à l’issue d’un état-major de sécurité à la préfecture.
Police nationale, PAF, gendarmerie, marine, procureur et préfet, on fait le tour du bilan et des tendances en matière de sécurité en 2014. Les autorités ont également annoncé des mesures et dressé des perspectives pour 2015, sur lesquelles nous reviendrons plus tard.
Globalement, en 2014, ce sont 8.570 faits de délinquance générale qui ont été relevés. L’augmentation est de 6,42% dans l’ensemble du département mais en légère baisse à Mamoudzou (-1,17%). Ces faits se répartissent en trois grandes catégories : les atteintes volontaires à l’intégrité physique (AVIP, les agressions) qui totalisent 24% des faits constatés, les atteintes aux biens (AAB, vols et cambriolages) qui constituent les deux tiers des faits et la «délinquance en col blanc», économique et financière qui reste très marginale.
«Nous sommes dans une petite et une moyenne délinquance», constate le préfet. «Nous n’avons pas à faire à des trafics de stupéfiants ou du trafic d’armes».
Atteintes volontaires à l’intégrité physique (AVIP).
Par rapport à 2013, les agressions augmentent de 24,39% en 2014 et dépassent pour la 1ère fois les 2.000 (2.035 exactement).
Les agressions crapuleuses (529 soit +27,16%) comme les agressions gratuites (1.060 soit +21,28%) repartent à la hausse après une stabilisation en 2013.
Les agressions contre personnes dépositaires de l’autorité atteignent 80 cas soit +21,21%. Le phénomène se tasse à Mamoudzou mais explose en zone gendarmerie de 24 à 41 cas (+70%).
Au total, en zone police, autrement dit sur la commune de Mamoudzou, le nombre d’agressions de tous types atteint les 998 cas (+24,13%). A noter, dans la ville-préfecture, l’émergence des faits d’extorsions qui ont triplé (17 cas).
Les agressions sexuelles déclarées.
«Les chiffres augmentent mais ils sont bien en dessous de la réalité», regrette le procureur. «Partout ailleurs, les deux tiers des faits sont commis dans un cadre familial. Or, à Mayotte, nous constatons surtout des ‘viols d’opportunité’ commis à l’extérieur ce qui signifie que toute une série de faits ne vient pas à notre connaissance.»
En 2014, on a recensé 136 atteintes sexuelles (+20%) et 47 cas de violences intrafamiliales (+38%).
«Il y a des chiffres qui, s’ils augmentent, seront une bonne nouvelle. Ca voudra dire que l’on ne se tait plus, qu’on ne se cache plus et que la parole s’est libérée», indique le préfet.
A Mayotte, les victimes et les familles doivent donc sortir de la logique de l’arrangement pour porter plainte.
Les atteintes aux biens.
Après une forte hausse en 2013, les chiffres n’augmentent plus «que» de 2,16%, une évolution qui masque une baisse à Mamoudzou (-3,6%) et une augmentation sur le reste du territoire (+10,34%). En 2014, on a relevé 5.723 faits d’atteintes aux biens de tous ordres sur l’ensemble du département.
Dans le détail, les premiers vols concernent l’automobile, aussi bien le vol du véhicule que de son contenu (1.331 faits, +11,57%).
Les cambriolages des habitations sont en baisse de 14,2% avec 1.267 maisons ou appartements visités. Le phénomène amorce enfin un repli. Ce n’est en revanche pas le cas des locaux commerciaux. Les cambriolages des entreprises augmentent de 15,45% et la progression est même de 26,1% à Mamoudzou !
A noter l’évolution préoccupante des vols avec violences. Ils ont dépassé les 500 sur l’ensemble de Mayotte (520 exactement soit +25%).
Délinquance en col blanc
Les escroqueries et infractions économiques et financières progressent elles aussi, de près de 2% avec 309 faits constatés.
Le taux d’élucidation
«Il se rapproche de la moyenne nationale», souligne le procureur de la République.
Concernant les agressions, il est de 40% en zone police (Mamoudzou), et de 66,9% en zone gendarmerie. Ce qui signifie, à l’échelle du département, que plus de la moitié des auteurs des agressions constatées (1.092) sont identifiés. Le taux d’élucidation est de 53,6% sur l’ensemble des atteintes volontaires à l’intégrité physique.
Pour les atteintes aux biens, les chiffres sont nettement plus bas : 13,8% sur l’ensemble du département. Sur les 5.723 faits constatés, seuls 788 ont été élucidés. La note positive réside tout de même dans l’évolution de ce taux qui progresse de 1,5 point.
Globalement, sur les 8.570 faits de délinquance générale enregistrés à Mayotte en 2014, le taux d’élucidation atteint 34,5%.
Ce sont 3.052 personnes qui ont été mises en cause en 2014 tous types d’affaires confondus (+20%) dont un tiers de mineurs (1.065 en augmentation de 15%). Conséquences logiques, le nombre de gardés à vue s’envole (1.308, +27,8%) et l’activité du tribunal correctionnel aussi. «Nous avons +25% de jugements rendus», indique le procureur et «cette mobilisation va se poursuivre voire s’intensifier».
Le jeu de la comparaison
Appelé à redonner du sens à ses chiffres, le directeur de cabinet du préfet, Jean-Pierre Frédéric, s’est livré à un exercice de comparaison avec des départements ruraux métropolitains comme la Meuse, où nous obtenons des résultats équivalents. Le comparatif avec les autres DOM serait également en notre faveur.
Les mineurs
C’est un des faits marquants de la délinquance à Mayotte : les mineurs sont particulièrement impliqués, y compris parfois, de très jeunes enfants. «Nous sommes dans le plus jeune département de France», rappelait le préfet… La démographie explique-t-elle tout ? Le colonel de gendarmerie Jean Gouvart reconnaissait «qu’il y a un vrai souci» et c’est sur le volet prévention que les autorités y compris locales seront attendues. Le préfet recevait d’ailleurs les maires après l’état-major de sécurité. Nous en reparlerons.
Déposez plainte !
C’est la demande expresse de l’ensemble des autorités, gendarmerie, police, justice, préfecture… «Pour agir, il faut la mobilisation de tous, à commencer par les victimes». Dès qu’un problème survient, il faut appeler le 17, police secours.
«Combattre un sentiment, je ne sais pas faire. On peut constater, on peut s’indigner mais il faut surtout faire remonter l’information et le plus rapidement possible pour que les forces de l’ordre puissent agir et pour que nous ayons aussi, une connaissance la plus fine possible des problèmes et des zones où ils se situent.»
Des pistes ont ensuite été présentées pour répondre à ces chiffres qui continuent, année après année, à être mauvais. Nous y reviendrons.
RR
Le Journal de Mayotte