Si le rapport annuel 2014 des Chambres régionales des comptes La Réunion et Mayotte dresse de nouveau un panorama critique de la gestion des collectivités, essentiellement sur notre île, il est accompagné du discours du 1er président de la CC qui remet en cause le système de financement propre à l’Outre-mer. A noter qu’un rapport sur la départementalisation de Mayotte est en préparation.
A Mayotte, 28 organismes relèvent de la compétence de la Chambre des comptes : le département, 17 communes, 6 établissements intercommunaux, l’hôpital, et 3 établissements publics d’enseignement.
Le nombre total de saisines sur l’entité Réunion-Mayotte que couvre la Chambre des comptes s’est élevé à 29 contre 35 en 2013, dont 23 pour Mayotte. Seuls 5 organismes s’en sont donc bien sortis… C’est le préfet qui saisit la Chambre dans un certain nombre de cas : le budget n’est pas adopté dans les délais légaux, l’équilibre du budget voté n’est pas réel, le compte administratif fait apparaître un déficit important, le compte administratif n’a pas été adopté dans les délais légaux ou une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget.
Ainsi, les communes de Kani Keli, Pamandzi, Boueni, Chirongui, M’tsangamouji, Chiconi, Bandraboua, Tsingoni, Ouangani, Sada, Dzaoudzi-Labattoir, Acoua, Koungou, le Sieam, le Smiam, le SIVOM de Petite Terre, le Comité de tourisme, le CHM sur les dépenses des personnels médicaux et non-médicaux et le conseil général, dont certains plusieurs fois, ont été contrôlés en 2014.
Plus de la moitié concernent des gestions en déséquilibre. Si pour huit d’entre elles, la chambre a conclu à l’insuffisance des mesures prises et à un maintien du déséquilibre, elle a été en mesure, pour cinq, de constater un retour à l’équilibre dont une après cinq exercices en déficit. Sur un des cas, le département, la chambre a demandé trois fois au préfet de s’assurer de l’inscription au futur budget des crédits nécessaires. En résumé, à Mayotte, 7 communes sur 17 et un syndicat intercommunal font l’objet d’un redressement.
Des erreurs intentionnelles
Le CHU de la Réunion et l’hôpital Gabriel Martin de Saint-Paul ainsi que l’hôpital de Mayotte ont été contrôlés. La chambre a souligné qu’un respect plus strict de la réglementation relative au versement des primes permettrait aux établissements de dégager des possibilités d’alléger les charges de personnel.
Les comptes peu fiables des collectivités viennent d’erreurs habituelles et trop répétitives, de non rattachement des charges et des produits au bon exercice, des recettes trop optimistes, des provisions non constituées, inscription de créances trop anciennes pour être recouvrées, etc.
« La fiabilité des comptes est pourtant d’autant plus importante que les collectivités locales sont appelées à participer à l’effort global de redressement des comptes publics », indique la Chambre. Même si l’outre-mer est moins touché par la politique d’austérité, une meilleure maîtrise des dépenses de fonctionnement est nécessaire dans un contexte de ressources contraintes, comme c’est le cas pour le conseil départemental de Mayotte.
Il s’agit également toujours pour les collectivités de dégager une trésorerie afin de pouvoir investir dans les grands chantiers du Contrat de Projet Etat-Région et les Fonds européens.
Difficile de sortir de l’Octroi de mer
Si de leur côté, certaines collectivités doivent apprendre la rigueur, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, actuellement à Mayotte, ne les stigmatise pas : « c’est la structure spécifique du financement des communes qui repose sur des bases fragiles. Il est constitué pour plus du tiers par la fiscalité indirecte (octroi de mer et taxe sur les carburants) qu’elles ne maîtrisent pas ». Des recettes étroitement liées à la consommation donc, qui, heureusement à Mayotte, a été un des seuls secteurs porteurs de l’économie en 2014, selon l’IEDOM.
La Cour remarquait en 2011 que l’octroi de mer, qui est une ressource importante de ces communes, repose sur un fondement dérogatoire dont l’avenir est incertain, remise en cause périodiquement par l’Europe. Pour la remplacer, toujours selon Didier Migaud, il faudrait pouvoir compter sur des recettes fiables issues de l’imposition, « ce qui suppose en outre-mer d’établir des bases cadastrales là où elles font défaut ».
Enfin, la Chambre a engagé une coopération avec la section des comptes de l’Union des Comores qui s’est poursuivie avec l’accueil à la chambre régionale des comptes de La Réunion pendant quinze jours du greffier et de l’archiviste-documentaliste. Le stage sera suivi en 2015 par l’accueil durant un mois d’un vérificateur.
Soulignons que la Chambre a engagé actuellement une enquête en cours sur la départementalisation de Mayotte, « Si le processus de départementalisation a correspondu à la satisfaction d’une aspiration politique forte et ancienne des Mahorais, il doit cependant s’inscrire dans les réalités socioculturelles, administratives et financières de Mayotte (…) Il faut déchiffrer ces évolutions, les évaluer et de rendre intelligibles pour tous », conclut Didier Migaud.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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