Pas de doute, c’est une ministre souriante que nous avons eue sur notre territoire. Mais qui a une manière bien à elle de faire passer des messages. Et il y en a eu.
Il y a les déçus, « quelles annonces pour cette visite ? », les septiques « l’Etat ne s’engage pas assez à Mayotte », ceux qui l’ont reçue et qui ont échangé avec elle en privée, « rien de spécial ! » d’un air entendu, ceux qui savaient « elle va faire des annonces importantes », et puis qui ne savent plus trop, et ce couple, métropolitain, à l’aéroport, « mais non c’est pas Michaux-Chevry, elle est plus mat de peau ! », les journalistes aussi, qui se marchent sur les pieds, prennent trop de photos, se demandent ce qu’ils vont bien pouvoir raconter, et puis il y a la population, « ah oui, une ministre, oui, il paraît. »
A chacun donc, sa visite ministérielle. L’événement, c’est déjà qu’elle ait eu lieu. Pas tellement à cause de ce report aérien mais par la décision qu’il a induit. Il y a encore 6 ans, un ministre qui se déplaçait à Mayotte, c’était inespéré, et son passage par La Réunion sans halte même de quelques heures à Mayotte, était perçu comme un signe possible que l’Etat se désengage de Mayotte et que la départementalisation n’ait jamais lieu…
Alors, que la ministre Pau-Langevin ait décidé de passer une nuit sur notre île, c’est déjà une promesse. Son arrivée était précédée de l’annonce de 4 millions d’euros pour les communes sinistrées par le cyclone Hellen, voire davantage, et son passage aura servi à mettre en valeur les actions de l’Etat sur l’île. « C’est un bonus pour Mayotte », appuie le sénateur Thani Mohamed Soilihi qui ne voit que des raisons de se réjouir de cette visite.
Mais avec George Pau-Langevin, ce sont les sous-titres qu’il faut entendre, ce que la ministre prononce presque dans un souffle, un message quasi subliminal.
A Chirongui, la ministre l’a glissé, si Mayotte aspire à l’égalité aussi rapidement qu’elle a voulu être intégrée dans la République, il faut prendre garde aux mesures qui déstabiliseraient l’économie, « comme la surrémunération des fonctionnaires », avait-elle soufflé sur le plateau de Mayotte 1ère. C’est non seulement le fossé entre les bas et hauts revenus qui est visé, mais aussi et surtout le budget des communes qui, à peine la tête sortie de l’eau, voient leur masse salariale se gonfler avec la seule indexation des salaires. Rappelons que l’intersyndicale de la Fonction publique vient d’obtenir la mise en place d’ateliers de discussions sur ce sujet.
La voix de l’Etat, elle l’a exprimée également à la mairie de Chirongui ce samedi matin : alors que la maire Hanima Ibrahima lui présentait des programmes réussis de logements sociaux, George Pau Langevin tout en encourageant ces réalisations, et en sachant que les Mahorais privilégient l’habitat individuel, appelait à commencer aussi l’habitat collectif, en ayant souligné « la forte croissance de la population », sur un territoire qui n’est pas extensible.
La ministre aura plus tard marqué les célébrations de l’abolition de l’esclavage par sa petite phrase « si Mayotte a souhaité intégrer la République, c’était pour se défaire de l’esclavage », en demandant que soit fait un vrai travail de mémoire.
Sur les raisons de sa visite dans la zone océan Indien, il n’y avait pas grand-chose à dire selon elle : une rencontre avec les nouvelles assemblées départementales, « mais surtout, je n’étais venue seule à Mayotte qu’en tant que ministre de la réussite éducative, pas de l’Outre-mer ».
Quant aux rumeurs réunionnaises de remaniement ministériel qui ont précédé sa venue, elles sont logiques pour George Pau-Langevin : « à partir du moment où nous arrivons à ces postes, c’est le risque. Nous tâchons tous d’être de bons soldats. J’avais même envisagé que cela ne dure que deux ans, ça fait trois déjà ! », a-t-elle glissé en souriant au JDM.
Elle aura même annoncé à plusieurs reprises avoir l’intention de revenir pour constater l’évolution des actions mises en place.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte