Pour la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, la réforme du collège prend place dans la refondation de l’Ecole de la République voulue par le président Hollande. A Mayotte, elle va permettre de développer le sens pratique des élèves pour la vice-recteur que nous avons interrogée.
Après le premier degré et ses rythmes scolaires, c’est donc le collège, accusé de creuser les inégalités entre les élèves, qui est rénové. « En 10 ans, les élèves ont régressé en français, en maths, en histoire », indique le ministère de l’Education nationale.
Il est difficile de dire s’il s’agit d’un toilettage ou d’une réforme de grande ampleur : un nouveau socle commun en français, maths et histoire est mis en place d’un côté, de l’autre un accompagnement personnalisé est prévu pour les élèves en besoin, et, grande nouveauté, des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) seront au programme.
Ces EPI sont au nombre de 8, parmi lesquels l’élève devra en avoir choisi 6 sur les trois années de 5e, 4e, 3e : développement durable, sciences et société, corps, santé et sécurité, information, communication, citoyenneté, culture et créations artistiques, monde économique et professionnel, langues et cultures de l’Antiquité, langues et cultures régionales et étrangères.
De la théorie à la pratique à Sada
A Mayotte, la vice-recteur Nathalie Costantini porte la réforme du collège comme « égalitaire pour tous », et la trouve particulièrement adaptée à l’île : « ces enseignements pratiques permettront aux élèves de savoir utiliser les connaissances acquises dans les disciplines de base, d’appréhender le sens de la connaissance. Je reprends l’exemple mis en pratique lors de la semaine des maths : des élèves sont partis mesurer la hauteur de l’îlot de Sada. Il s’agit d’une application directe du théorème de Thalès ».
Un exercice où se retrouveront les bons élèves, mais les autres ne risquent-ils pas de se reposer sur eux ? « Si le processus d’évaluation de l’EPI est collectif, il faut répartir les tâches en amont pour que chacun apporte sa réflexion. A la fin, on attend une production concrète des élèves ».
Le problème de la langue et de la compréhension n’est pas un obstacle pour la vice-recteur, au contraire : « lors des ateliers organisés avec les écrivains, les élèves ont appris dix fois plus en vocabulaire ou en syntaxe qu’avec un simple cours. Faire autrement, ça ne nie pas les problèmes, on y répond différemment ».
Les enseignants décisionnaires
Quant à l’organisation, c’est le conseil pédagogique qui prendra la main. Composé du chef d’établissement, d’un représentant de chacune des disciplines et de chacun des niveaux de classes, il répartira le temps : « ce sont les professeurs qui prendront en charge et qui concevront leurs EPI chacun leur tour », précise Nathalie Costantini. Qui précise que les élèves non-lecteurs, non-scripteurs, 30% à Mayotte, pourront choisir « outils de la langue ».
La vice-recteur garde une vision égalitaire, en déplorant qu’actuellement, certains élèves puissent faire une sortie lagon, d’autres non : « On utilisera désormais l’EPI pour proposer les mêmes actions à tous. »
Un texte pensé avec les enseignants avance Najat Vallaud-Belkacem qui a déjà essuyé des critiques sur cette réforme prévue pour la rentrée 2016. Jean-Marc Ayrault, ex-premier ministre, et professeur d’allemand, lui reproche notamment la fin des classes européennes bilangues.
D’ici un an, le texte aura certainement évolué, la ministre sait qu’il n’est pas facile de réformer l’Education nationale, un « mammouth » à dégraisser, avait considéré l’ancien ministre Claude Allègre. Mais le taux d’échec plus cuisant encore à Mayotte qu’en métropole, appelle à poser le débat.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte