Inspection interne, saisine de l’IGAS et rapport de la Cour des Comptes, la direction du social est sous les feux d’une restructuration que son élu, Issa Issa Abdou, semble pressé de mettre en place. Malgré le peu de visibilité, il demande à tous de se retrousser les manches.
Le nouveau Conseil départemental joint le geste à la parole : en convoquant la presse ce jeudi 30 avril, soit un mois après son élection, le vice-président en charge du social veut montrer que la feuille de route du président Ramadani sera suivie.
L’annonce de reconquête de la priorité d’un département qu’est le social, « nous voulons arriver à 60% du budget, comme les autres », fut l’attaque de la conférence de presse d’Issa Issa Abdou, après une présentation personnalisée de chacun, médias y compris.
Une nouvelle gouvernance donc, on nous l’a dit, mais en manœuvrant entre les écueils : « nous prenons charge une situation dont nous ne sommes pas comptables même s’il y a continuité des services ». On se souvient des secousses qui avaient ébranlé la Direction de la Solidarité et du Développement social (DSDS). Mohamed El-Amine, son Directeur général, qui se tenait à la gauche du vice-président, en avait été l’épicentre, sujet de plusieurs dépôts de plainte de la part du prédécesseur d’Issa Issa Abdou, et de la directrice de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), absente de la conférence de presse.
L’ASE sous la responsabilité des élus
A ce sujet, le nouvel élu appelle à « une réorganisation en interne. Il y a urgence à agir. » Et pour cause : un compte rendu confidentiel de la Cour régional des comptes préconise pour la DSDS et l’ASE, « l’adoption d’un autre schéma d’organisation », indique l’élu, doublée d’une inspection interne lancée sur demande du président Ramadani, pour connaître la situation de la DSDS et enfin, l’Inspection générale des Affaires sociales (l’IGAS, ministère du travail) est saisie et livrera un compte rendu de son enquête en juin.
Pour agir dans l’urgence d’une situation où un DGA est en conflit ouvert avec sa directrice de l’ASE, une restructuration est envisagée après les conclusions des enquêtes : « une commission ad-hoc où le DGA aura sa place, mais où l’ASE sera placée sous la responsabilité des élus, en particulier pour la délivrance d’agréments », explique Issa Issa Abdou.
Les travailleurs sociaux, les coordinateurs, les cadre sages-femmes, les chargés de mission, les éducatrice de Protection maternelle infantile (PMI), bref, les agents de la DSDS et ses partenaires, attendent donc beaucoup du nouvel élu qui n’a pas d’autre choix que de demander « un climat apaisé », en attendant que tombent les comptes rendus : « nous avons les compétences nécessaires dans cette maison qui compte 700 agents soit le tiers de l’effectif total du conseil départemental. Il y a un traumatisme qu’il faut réparer ».
Une population fragile
Il s’agissait donc avant tout de rassurer, de communiquer sur la reprise en main du social, et même d’en faire un peu plus en rappelant que « la population fragile du territoire appelle à s’occuper d’eux plutôt que de faire la Une des journaux. Nos travailleurs doivent être heureux de venir travailler le matin. »
S’il reconnaît un budget insuffisant pour le social, il ne reconnaît que peu de dysfonctionnement, « en dehors des assistantes familiales chargées de prendre en charge les mineurs isolés ».
Peu de pistes concrètes sont données pour atteindre les 60% visés, mais un calendrier sur trois semaines, de visite de PMI, des services du RSA, des rencontres avec les maires « pour connaître la situation des centres médicaux d’action sociale », et des sollicitations des parlementaires, « nous sommes un département de droit commun avec des prestations bien inférieures ». Des réponses apportées par les parlementaires dans le document « Mayotte 2025 ».
« Pas de foyer d’accueil »
L’élu doit d’ailleurs rencontrer le sous-préfet en charge de l’action sociale, mais aussi la directrice régionale de l’Agence de Santé océan Indien la semaine prochaine.
Une fiche de poste est en cours d’élaboration, « pour que chaque agent se retrouve au bon endroit », selon la maxime chère au président Ramadani.
Quant au diagnostic, il est maitrisé par Issa Issa Abdou : « selon le rapport Guyot, 3 500 mineurs sont isolés à Mayotte. Or, 350 sont pris en charge. En passant les familles d’accueil du simple au double, 1 000 enfants seront gérés. Il en reste 2 500. L’Europe préconise un foyer, c’est une erreur qui coûterait 24 millions d’euros à la construction, et 190 millions en coût de fonctionnement, en comptant au moins 7 foyers par commune. Et ceci, à chiffres constants, sans savoir ce qu’il en sera demain ! »
Il envisage de solliciter les BSMA ou Tama dans la prise en charge de ces enfants dans l’urgence. Si le BSMA a son cœur d’action dans la formation de jeunes adultes, on voit que Tama est de nouveau envisagée comme un partenaire, « mais nous allons malgré tout lancer un marché auquel pourra bien sûr répondre cette association ». Dans ce cas, elle serait agréée et donc rémunérée par le département…
Pour Mohamed El-Amine, qui sera le seul à faire le distinguo entre locaux et étrangers, « l’accueil des enfants sans distinction de races est devenue impossible, sans l’envisager avec retour dans leurs environnements naturels ».
Un état des lieux lourd donc, mais Issa Abdou pourrait bien se poser en élément fédérateur. En tout cas, tous sont invités à un voulé de remotivation en juin.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte