Un nouveau rassemblement en faveur du directeur de la SIM, Mahamoud Azihary, se tenait ce vendredi matin. Le bras de fer qui l’oppose à Vincent Liétar, occupant de la case Dôme, se poursuit et révèle des fractures profondes dans la société mahoraise.
«Le 1er mai, d’habitude, on manifeste pour les travailleurs. A Mayotte, aujourd’hui, on soutient un directeur d’entreprise !» Même sans sa casquette de syndicaliste, Rivo le citoyen, est toujours présent pour trouver les bonnes formules.
Comme lui, environ 150 personnes se sont rassemblées dans un mouvement pro-Azihary ce vendredi matin. Parti de la place de la République, le cortège a rejoint le quartier Saharangue, sur les hauteurs de Mamoudzou. Point d’arrivée : l’une des quatre cases placées en instance de classement par le ministère de la culture, la case Dôme, occupée par Vincent Liétar.
«Certains diront que nous ne sommes que 150. Mais nous représentons tout Mayotte !» pouvait-on entendre. De fait, beaucoup de figures mahoraises du syndicalisme, du monde associatif, du barreau, de la culture… finalement une partie de l’élite mahoraise avait choisi de s’associer à cette marche, autour d’un Mahamoud Azihary particulièrement discret. «On va encore dire que je suis à l’origine de ce moment alors que je suis simplement venu y participer, je ne fais que suivre», relevait l’actuel président de la SIM.
« Ça suffit », un slogan, une chanson
Ce rassemblement portait divers messages particulièrement forts. Il s’agissait d’abord de soutenir un homme. Pour Mikidache, artiste et citoyen engagé, «Mahamoud Azihary, c’est un fleuron de Mayotte. Au lieu de se ranger derrière lui pour le développement de l’île, on tente de manipuler le peuple avec cette affaire de monument historique. On prend les Mahorais pour des imbéciles !» Le musicien a d’ailleurs composé un morceau inspiré par cette actualité, «Bassi Ivo» (Ça suffit), largement diffusé lors du rassemblement.
«Ça suffit», car pour ces manifestants, cette histoire est bien plus qu’un conflit entre deux individus. «Liétar, ce n’est pas qu’une personne. C’est toute une machine, un système. Le terme ‘colon’ n’est plus approprié mais c’est pourtant ça qu’on essaie de bousculer», affirme Rivo. «De l’autre, on a Azihary, qui a un réseau Mahorais, des gens qui sont d’accord avec sa façon de voir et qui défendent une vision de l’avenir de Mayotte d’abord au service des Mahorais et des entreprises locales performantes. Oui, il y a une dose de communautarisme dans ce mouvement, je le reconnais.»
«Les derniers colons»
L’accusation de «colonialisme», on la retrouvait dans les panneaux préparés pour ce rassemblement et placardés sur le portail du jardin de la case Dôme. «Même les derniers colons doivent payer leur loyer», ou encore «Il ne suffit pas de partager un patrimoine commun, encore faut-il vivre dans le même monde», pouvait-on lire.
«Il n’y a pas de racisme pour moi dans notre rassemblement. Ici, il n’y a que des Mahorais», précisait Zedcee, qui a relayé l’invitation sur le web. «Ce colonialisme que l’on dénonce, ce n’est pas un système qui se renouvelle. Mais c’est un héritage de quelques-uns qui perdure, l’ancien temps qui ne veut pas disparaitre. Aujourd’hui, les jeunes de Mayotte ont fait des études, ils ont voyagé, ils savent que ce qui se passe n’est pas normal. Oui, nous sommes pour l’état de droit et nous respectons la loi. Mais que tout le monde la respecte : si la case est classée, on doit pouvoir tous en profiter et son occupant doit partir !»
Un mouvement républicain
«Pour moi, ce mouvement s’inscrit dans une lutte qui dure depuis longtemps», explique Allaoui Askandari. «Je me suis souvent exprimé sur le foncier pour dénoncer un certain nombre de pratiques que je qualifie de ‘l’ancien temps’, ‘coloniales’ pour être clair. Ces actions ponctuelles s’inscrivent dans la fabrication d’une République à Mayotte, parce que nous avons une République à construire.»
Aucun incident n’était à relever lors de ce rassemblement, à l’exception d’un manifestant plus velléitaire que les autres qui était parvenu à entrer dans le jardin de la case en coupant une partie du grillage. Le commissaire de police lui a rapidement rappelé qu’il s’agissait d’un domicile privé et qu’il pouvait avoir à répondre d’une infraction. Mais l’ambiance n’était pas à la confrontation physique. Juste à celle des idées.
RR
Le Journal de Mayotte