CARNET DE JUSTICE DU JDM. Les gens avaient peur de Salim. Il les volait, les rackettait, les insultait. Avec ses copains, il faisait un peu la loi dans son quartier de Petite Terre… Alors qu’il n’est âgé que de 18 ans et demi.
Mais il y a 10 jours, il est allé bien trop loin. Ce dimanche 3 mai, c’est d’abord chez lui qu’il décide de changer les règles de vie. A proximité de son banga, vivent d’autres membres de sa famille. Sa mère mais aussi son oncle et son épouse qui ce matin-là, vont devenir sa cible. Salim leur prend d’abord un téléphone portable avant de décider qu’ils n’ont plus rien à faire dans «sa» cour. Le jeune homme au physique puissant se met à les insulter, il veut les mettre dehors.
Salim entre dans leur banga, sort des affaires et un matelas et y met le feu. Puis il leur jette des cailloux. La femme s’enfuit avec son bébé. L’homme finira par partir lorsque Salim se saisit d’un chombo. Le jeune homme ira jusqu’à parcourir les rues du quartier pour le retrouver.
Le couple va porter plainte, une première dans le village où personne n’a jamais osé se plaindre des agissements du jeune homme.
Menace de mort pour 1 euro
En début de soirée, en plein cœur de Labattoir, 2e série de faits. Salim s’en grillerait bien une mais il n’a pas d’argent. Un homme passe, il lui arrache le téléphone des mains. «Je l’ai revendu 5 euros pour acheter des cigarettes.» Et quand la victime a la mauvaise idée de retourner voir son agresseur, quelques minutes plus tard pour récupérer son bien, Salim attrape un bout de miroir au sol, lui casse sur le crâne et le menace à nouveau : un euro, «sinon je te tue». Une dame du quartier présente par hasard donne l’argent pour obtenir la libération du pauvre homme.
Cette fois encore, la victime va déposer une plainte… de quoi, enfin, lancer des poursuites contre Salim. Pourtant l’enquête a du mal à démarrer. Dans le quartier, c’est l’omerta, personne ne veut parler, personne ne sait. Visiblement tout le monde a peur des représailles éventuelles.
« – C’est tous les jours que vous rackettez, que vous faites peur aux gens ? Vous êtes le petit caïd du quartier, c’est ça ? demande la juge.
– C’est pas tous les jours, répond Salim.
– Un jour sur deux alors ? Et toute cette violence pour un euro… »
Des victimes qui s’excusent
A la barre, les deux hommes qui ont porté plainte sont là. De mémoire de juge, de procureur et d’avocat, on n’avait pas assisté à une telle scène à Mayotte depuis longtemps. A la barre, ce sont les victimes qui viennent présenter leurs excuses.
«Ce qui me gêne, c’est le sentiment de crainte que je sens dans cette salle d’audience mais pas du bon côté de la barre», indique Joël Garrigue, le procureur. «J’entends des victimes qui viennent s’excuser pour que leur agresseur les laisse tranquille. Il faut faire en sorte que la peur change de côté.»
Le réquisitoire est lourd. Il va quasiment être suivi par le tribunal. Le caïd de Petite Terre ne va pas refaire la loi de si tôt à Labattoir : 18 mois de prison dont 12 ferme et à la sortie une mise à l’épreuve de 2 ans, une obligation de soins (il consomme souvent beaucoup d’alcool) et de formation (né à Dzaoudzi, il est déscolarisé depuis le CM2). Il a également interdiction de rentrer en contact avec ses victimes.
Révocation du sursis
Mais ce n’est pas tout. Salim est en état de récidive. Il a déjà été condamné deux fois. Le tribunal pour enfant lui a infligé 6 mois de prison avec sursis pour vol aggravé en mai 2014. Et en mars de cette année, il a écopé de 8 mois dont 5 avec sursis pour rébellion, outrage et violence contre des gendarmes. Et ce sursis, le tribunal va le révoquer. Les 5 mois deviennent ferme et se rajoutent à la peine du jour.
La détention décidée pour écarter Salim du quartier avant le procès n’est donc plus provisoire mais son quotidien pour 17 mois. «Et le tribunal n’en a pas fini avec lui», prévenait le procureur. Car cette soirée du dimanche 3 mai a été longue. Salim a commis de nombreux autres délits avec les copains de sa bande. A l’heure actuelle, l’enquête continue mais il devra à nouveau s’expliquer devant le tribunal un jour ou l’autre.
RR
Le Journal de Mayotte