CARNET DE JUSTICE DU JDM. Importer du tabac n’est pas illégal. Ne pas le déclarer peut coûter extraordinairement cher. Quatre hommes en font l’amère expérience. On leur reproche d’avoir
fait venir un container depuis la Tanzanie dans lequel se trouvaient pas moins de 4.740 kg de feuilles de tabac séchées.
Le container a été visé par un contrôle fait au hasard par les douanes, le 7 août 2013. A l’intérieur, les agents s’attendent à trouver des meubles et des matelas. Ils vont trouver des ballots de 50kg de tabac.
Sur place, le commanditaire du container est interpellé et placé en garde à vue. Il s’est rendu en Tanzanie en décembre 2012. Il devait acheter du mobilier mais après une rencontre avec un fournisseur de tabac, il comprend que ce commerce peut rapporter bien plus que la vente de matelas. Il décide de diversifier son commerce. Problème, le container est déjà plein. Il devra revenir quelques mois plus tard pour finaliser son acquisition, d’autant plus qu’il dispose de 2.500 euros donnés par un ami pour lui acheter des marchandises. Sans rien lui dire, il rajoute des ballots et cette fois-là, place est faite dans le container. Il y en aura donc pour près de 5 tonnes.
Argent pas si facile
Ce n’est pas la première fois qu’il tentait d’organiser un tel fret maritime. Il reconnaît avoir déjà importé du tabac depuis Nairobi (Kenya) via Anjouan par l’intermédiaire de son frère. Mais son argent était parti en fumée, contrairement à sa marchandise : le kwassa avait pris l’eau et le tabac avec.
Il n’était pas seul non plus. Durant sa garde à vue, il met en cause trois autres individus qui se retrouvent poursuivis eux aussi. Le premier a fait plusieurs voyages à Dar Es Salam avec lui. Il voulait participer à ce juteux business : il achète 10 ballots de 50 kg à 1.200 euros. Ne cherchez, on a calculé, cela met le kilo de tabac à 2,4€. Avec un prix de revente compris entre 15€ et 20/kg, il pouvait rêver à 10.000 € facilement gagnés.
Déficit de crédibilité
Le 2e a nié être concerné. On lui aurait offert des ballots contre son silence. Il avait des marchandises dans le container partagé. Mais, au fil de l’audience, on apprend qu’il aurait déjà affrété un autre container de tabac et de produits cosmétiques pour éclaircir la peau en direction des Comores.
Enfin le dernier, absent de l’audience est un habitué des voyages en Tanzanie où il se rend 4 fois par an pour y faire des emplettes. Il a un «petit» commerce qui importait en 2013, 3 containers de riz de Thaïlande pour 27.000$, 3 containers de riz du Pakistan pour 9.000€, d’autres encore de Dubaï pour 16.000 €… tout en ne déclarant un chiffre d’affaires que de 15.000 €. De quoi s’interroger sur son sens des affaires, ou de l’honnêteté.
Matière végétale non contrôlée
Etonnamment, ce qu’on reproche à ces 4 hommes, ce n’est pas l’importation de tabac en tant que tel, mais l’entrée d’une matière végétale qui n’a pas été visée par contrôle phytosanitaire. «C’est la santé de nos concitoyens qu’on met en danger. C’est quasiment une tentative d’empoisonnement de la population !» dénonce le procureur Alik.
Me Andjilani, l’avocat du principal importateur, nuance : «Quand je vois les conséquences de la chimique qui est un vrai empoisonnement d’une partie de la population, il me semble qu’il ne s’agit pas de cela.» L’avocat réclame la clémence pour son client qui a coopéré avec les enquêteurs pour faire aboutir l’affaire.
«Clémence» est également le mot choisi par Me Larifou qui défend un des prévenus : «Je ne vois pas l’opportunité d’une amende aussi lourde pour des gens qui ont à peine à manger», plaide-t-il. «Et une interdiction d’activité pendant deux ans, ça serait une mort civile.»
Le responsable des douanes et le procureur venaient en effet de requérir des peines assez communes dans des affaires douanières mais peu habituelles au tribunal de Mayotte. Un an de prison avec sursis, interdiction de commerce pendant 2 ans, confiscation du matériel (le tabac a été brûlé mais il y a 3.000 euros dans les scellés) et une amende calculée au prix du paquet de cigarette, ce qui met le tabac, avec les taxes, à 115€/kg. C’est donc une amende douanière spectaculaire de 546.048€/kg qui est requise.
Verdict, mercredi prochain.
RR
Le Journal de Mayotte