La paix à Kawéni

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Le duo Daharzade Abdou Salamique-Julien Gauquelin a réussi ce que tout le monde attendait l’espace d’une journée : montrer que les habitants de ce quartier sont unis dans la recherche de solutions. L’image de Kawéni s’en trouve momentanément changé. Mais les organisateurs en veulent davantage.

Titis et bacocos (jeunes et vieux), mobilisés
Titis et bacocos (jeunes et vieux), mobilisés

C’est un succès incontestable sur le nombre de participants. Difficile de compter, mais on peut estimer à plus de 1000 le nombre d’habitants à s’être mobilisés. Comme Aïcha, cette mère de famille qui sature : « il y a des jeunes qui entrent dans les classes, et prennent ce qu’ils veulent. »

Ou Maxime, cet enseignant au collège K1, « pour une fois que tout le monde est d’accord et participe ensemble à un projet positif ».

Peu de mzungus (métropolitains), et souvent une présence sur la pointe des pieds, mais c’est un début.

La marche passait par le rond-point SFR, Sodifram, pour revenir au rond point Mega en passant devant Zoom, et pour terminer sur le terrain de hand-ball proche du collège K1. Beaucoup d’entreprises citées, mais leur représentant, ainsi que ceux des petits commerces qui avaient pourtant confirmé leur présence n’étaient venus.

Un encadrement sans faille

Chacun à sa place sous l’œil des aînés
Chacun à sa place sous l’œil des aînés

Par contre, une forte délégation d’élus de la mairie de Mamoudzou et des conseillers départementaux avaient pris la tête du cortège. « J’invite les parents à prendre leurs responsabilités en s’occupant de leurs jeunes enfants mineurs », indiquait Mohamed Majani, le maire de Mamoudzou.

Tout au long du circuit et à l’arrivée sur le terrain de sport, les petits étaient cadrés au cordeau par un service de jeunes qui assuraient la sécurité : assis en carré sur le bitume, à l’écoute des discours pourtant sous soleil harassant, aucun ne bougeait, ni ne parlait… la preuve qu’avec de la volonté, la population peut obtenir de la discipline.

Chacun avait sa place, les officiels à l’ombre sous un barnum, l’estrade dédiée au discours, décorée par des végétaux, et des drapeaux multicolores flottaient, donnant un air de fête. Les associations qui avaient répondu présentes déroulaient leurs bannières : « Excellent CV ! Vous êtes de Kawéniii ? Désolé, le poste est déjà pourvu… »

Une réussite que les conseillers départementaux Mariame Saïd et Ali Debré Combo n’ont pas manqué de souligner, s’accordant sur « les capacités des jeunes de Kawéni, village qui ne se résume pas à la seule route nationale bordée de commerces ».

Pas de séance de questions-réponses

Des parents à l'écoute du commissaire
Des parents à l’écoute du commissaire

La jeune Daharzade Abdou Salamique que nous avions interviewée, à l’origine du projet avec Julien Gauquelin, était partout à la fois, « je ne m’attendais pas à devoir fournir une telle énergie sur le plan de l’organisation technique », heureuse que la population ait répondu présente, mais nous confiait sa déception, « nous ne voulions pas de discours. Nous avions prévu une interpellation de la mairie, du commissaire de police, du préfet par la population, mais les élus se disent trop fatigués par la longue marche sous la chaleur ».

Arrivés peu après la marche comme c’était prévu, le délégué du préfet Rudy Arandarczyk et le commissaire Miziniak étaient justement présents pour répondre aux questions. Ce dernier manifestement déçu de ce changement dans le protocole, décidait malgré tout de s’exprimer pour relever l’incompréhension manifestée par la population, entre les jeunes, « citoyens en devenir », ceux qui « commettent la délinquance, et la police. Il appelait à un travail en commun.

Contestation à Gaza

L'image de Kawéni
L’image de Kawéni

Le capitaine Chamassi était présent au titre de président de l’association « À deux mains pour les enfants ». Il rappelait en public que l’Etat était souvent montré du doigt sur le sujet de la délinquance, « mais l’Etat n’enfante pas que je sache »… ciblant les parents. L’absence d’explication en matière d’application du droit commun, son dada, est également en cause, avec des parents qui se sont vus sanctionnés par la justice pour des corrections sévères données à leurs enfants, et qu’ils ont interprétées, à tort, comme une nouvelle ère d’enfants rois. Phénomène résumé par l’expression « enfants du juge » à Mayotte.

Restés proche de leur quartier « Gaza », une bande de jeunes entre 18 et 25 ans, ne participe pas à la marche. Ils ont dressé une banderole « ouvrez-nous les portes de vos administrations », et, répondant à nos questions, lâchent, « j’ai l’estomac vide, je vais manifester pour quoi ? », « ça ne me concerne pas »… Des jeunes pourtant connus dans le quartier, alors que certains de leurs amis ont participé à l’organisation de la marche comme Malka, Zambré, Beto et Akou.

Interpellation d'un quartier "rival": l"éducation est notre arme de combat"
Interpellation d’un quartier « rival »: l »éducation est notre arme de combat »

Ce premier élan populaire qui s’est déroulé sans incident, est appelé à déboucher sur des Assises. « Après que nous ayons pu poser les questions aux élus. Et nous cherchons qui pourra porter ces Assises », précise Julien Gauquelin.

Aussi rigoureux soient-ils, les deux jeunes adultes auraient besoin d’élus déterminés pour les épauler, « surtout que nous avons organisé cette journée avec zéro euro », rappelle Daharzade Abdou Salamique.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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