CARNET DE JUSTICE DU JDM. «Un prévenu peu ordinaire pour des faits peu ordinaires». Le constat de la Procureure Prampart résume bien une affaire dans laquelle un individu est poursuivi pour avoir tenté de se suicider. Ce ne sont évidemment pas les infractions pour lesquelles il est poursuivi. Officiellement, le tribunal a à juger une «dégradation du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes». L’individu, incarcéré depuis janvier 2014 à Majicavo a mis le feu à trois reprises à son matelas pour essayer de s’intoxiquer avec les fumées.
C’est donc le mal-être d’un homme qui est examiné par la justice. Le 15 janvier, puis le 18 et enfin le 14 février, à l’aide d’un briquet il a provoqué un incendie, dans sa cellule «classique» puis dans la cellule d’isolement dans laquelle il avait été placé. En garde à vue, il avait refusé de dire le moindre mot. A la barre, il s’explique simplement : «Je voulais mettre fin à ma vie».
«Normalement, vous n’aviez pas le droit d’avoir un briquet à l’isolement», fait remarquer le juge Planque. Pas de réponse.
Un lourd passé familial, psychologique et judiciaire
C’est son passé judiciaire et l’expertise médicale qui vont décrire un garçon de 19 ans, malheureux depuis longtemps alors que sa vie familiale est lourde, un jeune homme qui refuse de voir sa mère au parloir «pour ne pas la regarder dans les yeux et lui dire qu’il va mal», précise son avocate, Me Gaem.
Il a déjà été reconnu coupable de vols avec violences mais il purge actuellement une autre peine. Il a été condamné par la justice des mineurs à 5 ans de prison dont 4 ferme pour des faits sordides : un viol sur un mineur, après l’avoir séquestré, des agissements filmés puis diffusés sur les réseaux sociaux. Il ne doit pas sortir de prison avant novembre 2017.
Il est également mis en examen pour une autre affaire de viol sur un codétenu.
D’autres tentatives de suicide
Ce n’est pas la première fois qu’il fait une tentative de mettre fin à ses jours. Dans le quartier des mineurs, il faisait partie d’un petit groupe qui avait tenté un suicide collectif par pendaison avec des vêtements. «La solution trouvée a été de le transférer 6 mois à La Réunion où aucun suivi n’a été mis en place», regrette Me Gaem qui dénonce aussi les mesures d’accompagnement psychologique très faibles décidées à son retour à Mayotte.
Alors que la Procureure réclame 6 mois de prison «aménageables» en fonction de l’évolution de son état, pour l’avocate, «lui rajouter 6 mois, c’est rajouter encore des difficultés».
Le tribunal a finalement reconnu le prévenu coupable de sa propre mise en danger et de celle des autres personnes présentes à la maison d’arrêt. Mais l’avocate a obtenu de la cour une dispense de peine et une obligation de soins. «Ca ne vous donne pas le droit de recommencer», prévient le juge Planque.
Le jeune homme qui porte visiblement toute sa tristesse sur les épaules est reparti tête baissée à Majicavo.
RR
Le Journal de Mayotte