La loi Lurel de Régulation économique trouve ses limites à Mayotte où le circuit économique n’est pas assez structuré. Deux missions parlementaires étaient sur l’île pour le souligner et trouver des pistes de développement des filières courtes.
« 2€ ces 5 bananes ?! Mais c’est 1€ à Koungou !! »… L’acheteur fait face à une vendeuse assise prés de l’arrivée de la barge à Mamoudzou- « Mais à Koungou, ils plantent. Moi, je ne fais que vendre »… Pas besoin de suivre de hautes études pour comprendre ce qu’est un circuit court : en gommant les intermédiaires, on réduit le prix final, on a donc là une partie de la réponse à la vie chère, se sont dit les législateurs.
Deux missions étaient ces derniers jours à Mayotte. Ericka Bareigts, députée de La Réunion, et rapporteur de la loi de Régulation économique contre la vie chère est venue sur l’île en évaluer l’impact.
Cette loi voulue par l’ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel, était une réponse législative aux manifestations ultramarines qui avaient sévi en Outre-mer en 2009, en 2011 à Mayotte : « les habitants reprochaient des prix trop élevés en carburant, téléphonie, prestations bancaires et en alimentation. »
La solution Lurel avait donc été de prôner une intervention de l’Etat avec une pré-réglementation, et l’introduction de la concurrence là où sévissaient sur ces marchés, monopoles et oligopoles. Mais on ne réforme pas aussi facilement une situation qui date des 60 ans de départementalisation, c’est pourquoi avait été mis en place un Bouclier qualité-prix (BQP), histoire de forcer la main aux plus réticents, en plafonnant les prix de certains produits : « l’opacité organisée qui prévalait en 2009 était pénalisante pour la population », déclare Ericka Bareigts.
Mal signalé dans les grandes surfaces
Une liste qui ne fait pas toujours l’unanimité chez les consommateurs dont les associations ont critiqué le manque d’adaptation aux habitudes de consommation locale. Pas plus de satisfaction chez Ericka Bareigts qui note « une signalétique qui ne parle pas » dans les grandes surfaces.
Surtout, pour la députée réunionnaise, il y a un fort décalage entre notre tout jeune département et les Antilles-Guyane-Réunion, départements depuis 1946 : « pour permettre la concurrence, il faut un tissu économique, or il a besoin de se structurer à Mayotte. »
En conséquence, la proportion de production locale au BQP n’est que de 10% à Mayotte, quand elle est de 45% à La Réunion, où la liste est malgré tout plus fournie.
La réponse viendra de la deuxième mission, celle conduite par les députés du Morbihan et de Dordogne, Hervé Pellois et Brigitte Allain, qui répertorie les circuits courts de vente, en minimisant le nombre d’intermédiaires.
S’ils ont noté l’avancement de la structuration par le biais des coopératives comme la COOPAC, ou l’AMMEFLHORC (filières vivrières), la COMAVI (aviculture), Saveurs et senteurs de Mayotte, beaucoup reste encore à faire, « notamment sur l’accès au foncier », et pourrait-on rajouter, en matière de restriction de la loi Littoral qui empêche les agriculteurs de s’installer à proximité de leurs récoltes.
Nourrir la population et exporter, en optimisant les récoltes en fonction du climat, ne pas tout attendre de la loi et proposer des projets de développement, le tout avec les contraintes imposées par le flux migratoire, « et la concurrence de la vente illégale », voilà les enjeux de la production agricole locale… « Vous êtes face à de nombreux défis à mener », conclura la députée Brigitte Allain.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte