Grève à l’ARS Mayotte: quand l’océan Indien ne suffit pas à faire l’unité

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Les mêmes agents s’étaient mis en grève il y a trois ans en appelant à une égalité de traitement entre les deux îles regroupées sous la bannière Agence Régionale de Santé Océan Indien. Les inégalités de salaires ne sont pas seules en cause, mais bien la politique de santé en elle-même.

La plaque ARS OI dévoilée par Chantal de Singly le 1er avril 2010
La plaque ARS OI dévoilée par Chantal de Singly le 1er avril 2010

L’Agence Régionale de Santé Océan Indien a été créée le 1er avril 2010, couvrant les deux départements français de La Réunion et Mayotte. Si les agents Mahorais en avaient le cœur, ils tourneraient la date en dérision, mais ce n’est apparemment pas le cas : « Force est de constater cinq ans plus tard, l’existence d’une situation inégalitaire entre les deux départements et les agents d’une même agence exerçant les mêmes missions », critique une intersyndicale CGT Ma-UNSA-CFDT.

Ils ont dressé un tableau comparatif des deux îles sur plusieurs points. La gouvernance tout d’abord, avec 9 directions sur l’île Bourbon, dont la veille et la sécurité sanitaire, aucune dans la délégation de l’île de Mayotte. La sur-rémunération, avec une indexation de 53% dans l’île voisine, contre 20% à Mayotte qui a entamé il y a deux ans son rattrapage vers un taux de 40% en 2017. La non mixité des agents entre métropolitains (improprement appelés « expatriés ») et locaux, les premiers ne soutenant pas les seconds dans leur mouvement, selon les grévistes.

Aucun mahorais décisionnaire sur une île à forte identité culturelle

Une île aux nombreux dispensaires
Une île aux nombreux dispensaires

Enfin, et c’est peut-être le plus difficile à comprendre pour l’intersyndicale, « Contrairement à l’époque de la DASS, aucun mahorais n’est responsable de service. De fait, le mahorais est exclu d’office des responsabilités dans la gestion de la santé de son propre pays. »  L’un est pourtant un intervenant écouté dans les colloques, a écrit de nombreux ouvrages, et surtout, connaît la culture locale.

Lors de l’anniversaire des cinq ans de l’agence en avril dernier, Chantal de Singly, directrice de l’ARS OI, l’avait elle-même reconnu, «à Mayotte, c’est compliqué». Le niveau de développement des deux départements n’est pas le même, impactant sur les choix stratégiques de santé, et les problématiques finissent de creuser l’écart, dont le flux migratoire et une désertification médicale à Mayotte, qui appellent des décisions nationales, comme le faisait remarquer lors de l’anniversaire des 5 ans, le docteur Martial Henry.

Quand La Réunion éternue, c’est Mayotte qui tousse

Une politique centralisée à La Réunion, qui délaisse Mayotte. Le 16 avril 2014, alors que nous répercutions le lancement de la campagne antigrippale à Mayotte (qui se faisait il y a encore trois ans à la même date qu’en métropole bien que les saisons soient inversées !), nous nous enquérions du nombre de cas de grippe sur l’île.

Les services de l’ARS OI, donc de La Réunion, nous répondaient alors : «Concernant les chiffres, malheureusement, nos services m’informent qu’à ce jour, nous n’avons pas les données nécessaires pour estimer le nombre de cas de grippe à Mayotte.» La campagne 2014, avec 2.496 doses délivrées à Mayotte, en public et libéral, « pour 6.000 personnes éligibles à la vaccination », avait pourtant été lancée sans donc connaître l’impact du virus sur le territoire.

Ouverture immédiate des négociations

Banderoles devant l'ARS Mayottece mercredi
Banderoles devant l’ARS Mayottece mercredi

Les grévistes, «90% des agents», nous signale l’intersyndicale, ont des revendications en 4 points, issus du déséquilibre de leur tableau : tout d’abord la reconnaissance de l’ancienneté des agents auparavant agents de la collectivité, avant leur incorporation dans un corps transitoire. Selon eux, le ministère de la Santé n’y serait pas opposé, contrairement à celui de la fonction publique qui craint une contagion, celle-ci propre à Mayotte : les autres administrations pourraient en effet demander une généralisation à leurs services.

Le traitement identique entre les agents d’un même établissement ARS OI, salaires, indemnités, indexation. Ce serait la monnaie de la pièce d’une union forcée… tous au même tarif.

La titularisation des agents non titulaires (Contrats d’avenir contractuels) en vue du renforcement d’un service jugé «en sous-effectif». Et enfin, l’autonomie tant attendue, avec des Mahorais comme acteurs de leur propre développement.

Les grévistes demandent l’ouverture immédiate de négociations avec la direction générale de l’ARS OI. Car au final, l’économie d’échelle recherchée lors de la création des l’ARS ne se justifie pas tant que ça avec deux îles éloignées géographiquement et structurellement.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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