Une bouée qu’il ne faut surtout pas manquer pour beaucoup d’habitants. Qu’ils soient syndicalistes, élus, défenseurs de la nature, chacun y va de sa petite lettre à Manuel Valls. Si certains points sont du ressort des élus locaux, d’autres portent une ambition indispensable, que ne pourront satisfaire les deux plans annoncés sur les 5 ans à venir… Seul le Premier ministre dispose donc.
Ce déchaînement épistolaire est l’expression d’une forte attente. D’un côté, la population qui sait qu’elle n’a longtemps pas pu compter sur des élus locaux trop souvent cupides, des élus eux-mêmes qui ne veulent pas laisser passer cette chance de parler à Dieu plutôt qu’à ses saints, une île enfin qui déplore un Contrat de Plan de développement Etat-Région (CPER) et une enveloppe européenne très en dessous de ses besoins de développement.
Mayotte 101ème, voilà qui fait un peu «à la traîne» pour Chihaboudine Ben Youssouf, le conseiller départemental de Mamoudzou 2, et représentant du Parti de l’Union pour le Renouveau de Mayotte, qui déplore «le fossé économique qui sépare notre île des 100 autres départements français». Il adresse donc une lettre au Premier ministre pour demander quatre points généraux : la mise en place d’un Plan de développement économique pour Mayotte, pas seulement un document cadre Mayotte 2025, également un financement spécifique, un accompagnement pour la cohésion sociale, et une fiscalité dérogatoire, étant donné que le rattrapage des avancées sociales est lui aussi transitoire.
Et plus concrètement, l’implantation du chèque emploi-service, «un moyen de développer sensiblement l’emploi à domicile et (qui) permettrait aux salariés de garantir leurs droits», le soutien de l’économie sociale et solidaire en appui du Plan de Développement Rural (PDR).
Des routes à 3 voies de Tsoundzou à Koungou
Le conseiller départemental fait également référence aux blocages parisiens : les agréments pour la Société Immobilière de Mayotte (SIM) qui entravent l’activité du «principal acteur du développement de l’habitat» et la remise aux normes des écoles.
Il évoque aussi un travail conjoint Etat-collectivités locales sur la régulation foncière qui bloque la résorption de l’habitat insalubre et pénalise «prés de 58% des logements».
Au niveau des infrastructures, il appelle à un désengorgement routier, avec passage à 3 voies des routes les plus empruntées de Tsoundzou à Koungou, l’agrandissement des ronds-points de Passamainty, Mtsapéré, Baobab, un pont entre Grande et Petite Terre et le contournement du chef-lieu.
Pour développer le trafic maritime, la construction de jetées à Mtsapéré, Tsoundzou, Iloni, Dzoumogné.
Enfin, la réalisation d’une piste d’aviation permettant une liaison directe depuis la métropole.
Risque d’expropriations massives
Il n’oublie pas le social, le conseiller départemental d’un des cantons de la ville chef-lieu. L’une de ses demandes porte sur la revendication phare de toutes les administrations du territoire : un dispositif de rattrapage des retraites.
Il appelle aussi à l’apprentissage de l’arabe dès le primaire «conformément au Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)», à un accompagnement à la création d’une banque alimentaire, de régies de quartier, notamment en partenariat avec la banque alimentaire de La Réunion, et enfin, à une période transitoire sur le plan fiscal, «une période d’adaptation des coutumes locales en matière de droit de propriété et d’obligations fiscales correspondantes, est nécessaire pour éviter une fiscalité confiscatoire (…) le risque d’expropriation massive n’est pas exclu», et que justifie un PIB mahorais «qui se monte à 7.900 euros/habitant».
Devenir des anciens fonctionnaires
Sur ce domaine du social, le secrétaire départemental du SNUipp-FSU, Rivomalala Rakotondravelo, appelle lui aussi à «réparer l’injustice faite à l’encontre des anciens fonctionnaires de la Collectivité départementale» en prenant en compte les années travaillées, et attend beaucoup de la rencontre du 29 septembre 2015 de révision du taux d’indexation, acquise à 40% en 2017. Il rappelle l’engagement du président de la République de construction de 100 salles de classe par année de mandature, et l’opposition de son syndicat à la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires, en proposant cinq matinées de 4h et deux après-midi de 2h.
Même bataille pour l’UNSA d’Eric Hourcade qui considère que cette «clause de revoyure» du 29 septembre porte une partie de «la condition de l’amélioration de l’attractivité de l’île pour la Fonction Publique d’Etat, un enjeu majeur du développement économique de l’île.»
Enfin, l’ensemble des associations environnementales interpelle également le Premier ministre beaucoup plus globalement sur des points visés par Chihaboudine Ben Youssouf, dont le réseau routier saturé, et propose, outre la voie maritime, de développer les transports en commun. Sur leurs problématiques propres, elles appellent à une protection accrue de la biodiversité et de certaines zones.
Pour tous ces acteurs, la demande est forte, et face aux dotations dont bénéficient les autres DOM, ils auront du mal à entendre parler de budget national contraint que porte pourtant le gouvernement de Manuel Valls.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte