Les réactions ont été nombreuses à la suite de la visite du premier ministre. Nous en avons sérié quelques-unes, à commencer par l’homme, ou plutôt la femme de la rue. Le monde économique n’a pas été oublié.
« C’est toujours pareil : lorsqu’un ministre arrive, les routes sont refaites à neuf et les bas côtés sont nickel. Nos élus savent donc faire, mais les habitants ne sont visiblement pas tous logés à la même enseigne ! », râle Nadira qui regarde depuis Petite-Terre arriver le Némo qui a transporté la délégation ministérielle au dessus des fonds sous-marins.
Elle n’est pas la seule à manifester son mécontentement. Younous Omarjee, eurodéputé de la Gauche unitaire européenne, a toujours considéré l’enveloppe européenne comme une injustice faite à Mayotte, pour n’avoir pas été défendue par le président Hollande. Sa réaction au passage de Manuel Valls va dans le même sens : « J’attendais un discours qui nous fasse sortir d’une vision misérabiliste, or nous n’avons eu qu’un catalogue de mesures déjà vues.
En dehors de son évocation de la demande de classement du lagon au patrimoine mondial que j’avais porté, le premier ministre n’a pas parlé d’ambition maritime pour Mayotte. Trois axes auraient dû être retenus : l’agriculture, l’aquaculture et l’exploration des fonds océaniques. Nous devons préparer les Mahorais aux métiers de la mer.
L’insuffisance de fonds européens n’est pas un problème d’argent, mais de principe, le premier ministre n’a d’ailleurs que très peu évoqué l’Europe.
Quant au droit du sol, je me félicite de sa position de recadrage qui s’oppose à sa remise en question. »
« Hors politique politicienne »
Saïd Omar Oili, en tant que président apparenté socialiste de l’association des maires, a ses entrées à Paris. Une visite ministérielle plutôt réussie selon lui : « C’est la première fois que j’entends un premier ministre sortir de la politique politicienne. Nous avons eu du concret avec un engagement sur le Contrat de Projet Etat-Région supérieur de 20% aux autres territoires.
Si je me réjouis de l’arrivée d’un peloton de gendarmes supplémentaire, les maires et la société civile doivent aussi travailler sur le sujet de la sécurité, c’est l’affaire de tous. Par contre, l’Etat peut nous aider à structurer notre police municipale. »
Nous avons aussi sollicité la réaction du lieutenant-colonel de gendarmerie Jean Gouvart sur cet effectif supplémentaire qui nous parait insuffisant : « ça n’est qu’une amorce. Le général Soubelet, qui est venu l’année dernière dans l’île, considère Mayotte et la Guyane comme deux priorités. Il n’est donc pas impossible que d’autres engagements se fassent sur les années à venir. »
Une main tendue vers les entreprises
Chez les chefs d’entreprise, l’avis est mitigé. Plutôt heureux, d’abord, d’avoir été sollicités pour un déjeuner avec le premier ministre ce samedi midi, « c’est plutôt rare qu’un gouvernement de gauche invite les patrons », nous confie l’un d’entre eux qui souhaite rester anonyme.
S’ils ont pu faire remonter leurs problèmes en matière d’insécurité et d’accès à une santé de qualité, Manuel Valls avait aussi besoin de leur engagement sur l’emploi et la formation, « notamment pour accompagner le financement des écoles de la seconde chance. Nous avons apprécié cette main tendue ».
D’autre part, les entreprises savent qu’elles sont les principales interlocutrices dans l’espérance de rattrapage social porté par les salariés : « nous avons donc besoin d’être épaulés par l’Etat lors des conflits, et d’un intermédiaire qu’est la Dieccte pour assurer la médiation dans un souci de dialogue de qualité. »
Ils sont tombés d’accord avec le premier ministre au moins sur une chose, « la richesse de Mayotte, depuis ses habitants jusqu’à son potentiel de développement. Encore faut-il que nous nous sentions un minimum choyés, nous qui avons investi une partie de notre vie ici. »
La visite de Manuel Valls n’aura pas été neutre en matière d’impact, mais les acteurs en attendent beaucoup, surtout en terme sécuritaire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte