Lors de la restitution de son rapport annuel, l’IEDOM a fait une sorte de revue des troupes d’acteurs mahorais, de l’énergie aux transports, en passant par l’éducation. Sur celle-ci, une vision bien différente de ce que syndicats et vice-rectorat proposent…
L’éducation vue par le prisme de l’économiste vaut de s’y arrêter. Pascal Thiais, Responsable du service études économiques et Etablissements financiers de l’IEDOM, commençait par un rappel historique : un système éducatif encore jeune, avec un premier lycée qui sort de terre à Mamoudzou en 1980, « en 40 ans, les effectifs ont été multipliés par 30, le budget de l’éducation nationale par 10 ».
L’état des lieux est connu : il manque 500 salles de classe, ce qui implique qu’un cinquième des écoles soit en rotation par sureffectifs. Si les constructions scolaires ont été relancées, elles sont critiquables pour Pascal Thiais : « les coûts de construction trop élevés sont liés à l’importation de matériaux du fait de l’insularité bien sûr, mais aussi à une politique d’entreprise à revoir ». Des irrégularités qu’avait soulevées Rivo, du syndicat SNUipp.
Des constructions qui ne seraient pas adaptées : « un cabinet d’architecte a heureusement soumis une proposition qui réduit les coûts de construction et qui adapte les matériaux tout en créant de l’emploi local. »
« Les mêmes critères qu’à Versailles »
Du côté des 4.600 enseignants, le quart d’entre eux sont des contractuels, contre 14% seulement en 2010, « avec une formation initiale absente ou insuffisante ». Résultat, « une moyenne de 20 points en retrait de la nationale aux examens et 7 enfants sur 10 ne maitrisent pas les compétences de base en maths et français ».
Une tendance à l’expansion quantitative du système au détriment de la qualité selon lui pour répondre à la démographie croissante et aux flux migratoires : « on essaie généralement de former à la mesure de son économie. Avant la 1ère guerre mondiale, et alors que la France était agricole et faiblement mécanisée, on n’avait pas besoin d’amener 80% d’une classe d’âge au Bac. Il faut piloter autrement qu’en adoptant les mêmes critères que pour l’académie de Versailles ! ».
Une aberration pour Pascal Thiais : « Plus les problèmes sont complexes, plus les techniciens doivent être pointus. Nous devrions donc faire venir à Mayotte les meilleurs enseignants. S’il y a un seul euro à mettre, il faut le dépenser dans la formation des enseignants et non en salle de classe, qui n’a jamais été facteur de meilleur apprentissage des élèves. »
Pour commencer par les plus petits et la maitrise du français, il cite un pays où il a vécu, la Mauritanie, « l’éducation se fait en langues vernaculaires dans les petites classes, avec introduction du français langue étrangère. Cela marche et a été testé à Mayotte. »
« Des idées politiquement incorrectes ? questionne-t-il, parce que nous somme une académie ? Un projet à mettre en place, « en s’appuyant sur les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques, en collaboration avec les associations qui travaillent déjà au soutien de ces élèves ».
On vous l’avait dit dans notre sujet sur la présentation du rapport 2014, l’IEDOM se veut agitateur d’idées, « ce ne sont pas des réponses, mais des propositions », prévient Pascal Thiais.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayote