CARNET DE JUSTICE DU JDM. Elle y croyait encore à son histoire d’amour, ce mercredi à la barre du tribunal correctionnel. Elle rêvait de Roméo et Juliette mais cette histoire est pourtant loin d’être romantique. Il s’agirait plutôt d’une Juliette sans véritable Roméo, une romance non partagée dans laquelle une jeune fille de 13 ans va être contrainte à un avortement. L’histoire se termine au tribunal, «Roméo» est poursuivi pour atteinte sexuelle par majeur sur mineur de moins de 15 ans.
Car au début de leur histoire, elle n’a que 11 ans et demi, elle est scolarisée en CM2. Lui, a 24 ans et connaît bien la jeune fille : c’est un voisin. Leur première relation a lieu sur la plage du pendu à Mamoudzou puis les autres chez lui. «On s’aimait trop, comme Roméo et Juliette. Je voulais me marier avec lui mais on m’a dit que je n’avais pas le droit», dit-elle à la barre.
Lui est nettement moins catégorique. «On s’entendait très bien…» La passion amoureuse semble toute relative.
Les yeux d’une enfant, le désir d’un adulte
C’est la mère de la jeune fille qui les surprend et qui prévient les autorités. Elle est furieuse. Sa toute jeune fille n’est pas encore au collège, elle est déjà déflorée. Face à la colère de la maman, «Juliette» parle d’abord de viol avant de reconnaître l’évidence. Leurs relations sont tout à fait consenties.
L’homme est placé en garde à vue au commissariat et en ressort avec une convocation pour le tribunal… Et pourtant, il ne met pas un terme à leur histoire. Non seulement, ils ont à nouveau des relations sexuelles mais la jeune fille tombe enceinte. A 13 ans, elle est contrainte à un avortement.
«Elle vous regardait comme une enfant, vous la regardiez comme un adulte», lance le président Sabatier.
Surveillant dans un collège
La défense du pseudo Roméo est en effet bien difficile. Après son passage au commissariat, impossible pour lui d’ignorer que toute relation sexuelle est interdite par la loi entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur. «En dessous de 15 ans, on est un enfant et on a encore des illusions sur ces choses nouvelles de l’amour et de la sexualité et on ne sait pas trop vers quoi on s’engage», relève le procureur Garrigue.
Et le prévenu connaît la loi d’autant mieux, qu’il est étudiant… en droit. Pire, il ne peut pas non plus affirmer ne pas avoir eu connaissance de l’âge de la jeune fille. Au moment des faits, il était surveillant dans un collège. Il savait donc parfaitement faire la différence entre une gamine de 11 ans et une adolescente de plus de 15 ans.
«Il va falloir que cesse cette relation malsaine qui ne peut conduire cette jeune fille qu’à une déception amoureuse», plaide Me Hassan.
Un «coup de cœur»
«Ce n’est pas un dossier nauséabond comme on en voit en métropole», nuance Me Préaubert, l’avocate du prévenu. «Ce n’est pas un pédophile potentiel, ce n’est pas un enseignant qui a eu des relations sexuelles multiples avec des enfants. C’est un homme qui a eu un coup de cœur vis-à-vis de cette jeune fille», affirme-t-elle, réclamant une application clémente de la loi.
Ultime tentative pour implorer cette clémence du tribunal, «Roméo» explique qu’il est secrétaire dans une nouvelle association qui prend en charge des jeunes de 9 à 19 ans. Et si le tribunal suit les réquisitions du procureur, il ne pourra plus participer à cette démarche citoyenne.
Mais pour la cour, la sanction doit être claire.
Les larmes de Juliette
L’homme est condamné à 9 mois de prison avec sursis, 3 ans d’interdiction d’exercer toute activité impliquant des mineurs et 5.000 euros de dommages et intérêts. Sa condamnation est également inscrite à son casier judiciaire, lui interdisant d’envisager un emploi public. L’homme qui voulait travailler dans l’enseignement devra donc imaginer un autre parcours professionnel. Son inscription au FIJAIS, le fichier des délinquants sexuels, est automatique.
A l’extérieur, en attendant le verdict, la jeune «Juliette» réalisait que sa passion n’était pas partagée et qu’elle ne se mariera jamais, à ses 18 ans, avec un Roméo qui avait profité de sa naïveté. Elle pleurait à chaude larmes. «Il y a malheureusement pour elle des choses qui ne se répareront pas», concluait le président à l’adresse du condamné.
RR
Le Journal de Mayotte