J-P. Philibert :«Mayotte devra rattraper le PIB métropolitain d’ici 15 ans»

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Le président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer, Jean-Pierre Philibert, est à Mayotte pour quelques jours. Il fait du faible engagement de l’Etat sur notre territoire son cheval de bataille, et appelle le 101ème département à parler d’une même voix sur sa stratégie de développement économique.

Thierry Galarme et Jean-Pierre Philibert, "Trouver un fil conducteur au développement de Mayotte"
Thierry Galarme et Jean-Pierre Philibert, « Trouver un fil conducteur au développement de Mayotte »

Jean-Pierre Philibert était venu à Mayotte en octobre 2014, et ce qu’il avait entendu l’avait ébranlé: «alors que je positionnais la Fedom comme interlocuteur privilégiée, voire unique, du département à Paris, ce n’était pas 3 ou 4 axes de développement que l’on me demandait de remonter, mais 7 ou 8. La raison? Elus, milieux économiques, organismes dispensateurs de crédits et services de l’Etat n’avaient pas les mêmes priorités!»

L’état des lieux, en partie lié à ce constat, est négatif: «Mayotte est peu audible en métropole, peu relayée.» Il faut dire que la parole était souvent portée de manière partisane, dans le sens du gouvernement en place, et que les Mahorais ont pendant longtemps considéré la voix de l’Etat comme sacrée.

Les choses changent avec l’arrivée de parlementaires qui n’hésitent pas à revendiquer l’application de textes de lois adaptés au territoire, et de personnalités comme Thierry Galarme, à la tête du Medef (patronat) mahorais, qui fait d’ailleurs la Une de l’édition du mois de juin du mensuel Réunionnais l’Eco Austral.

Des dépenses par habitant à 40% de la métropole

Un PIB par habitant au quart de la métropole
Un PIB par habitant au quart du niveau national

C’est d’ailleurs à l’invitation de Thierry Galarme qu’a répondu Jean-Pierre Philibert, pour présider et animer une grande conférence sur l’avenir économique de Mayotte ce lundi 29 juin au CUFR de Dembéni.

S’il est là, c’est pour affirmer la voix des acteurs économiques et s’imposer face à un Etat qu’il juge tout puissant dans l’ensemble des Outre-mer: «la ministre Pau-Langevin voyait la LODEOM 2 s’écrire sous l’impulsion des secrétaires aux Affaires Régionales des préfectures!»

Le fervent défenseur de la loi sur l’égalité réelle s’épanche sur la situation mahoraise: «un quart du PIB national, à mettre en lien des dépenses budgétaires par habitants qui ne sont qu’à 60%* de la métropole. Les moyens alloués à Mayotte ne permettent pas le rattrapage, les inégalités perdurent et s’accroissent même.»

Et d’entrer de plein pied dans la problématique qui perturbe l’activité de l’île, l’insécurité: «à Saint-Pierre et Miquelon, ils ont un escadron de gendarmerie pour 6.000 habitants. Il en faudrait donc 5 à 6 en plus à Mayotte!»

Affronter l’opinion publique hexagonale

Une conclusion s’impose : si nous voulons l’égalité réelle entre les territoires, l’Etat doit s’engager, «et sur une génération. Dans les 15 ans, le PIB (Produit Intérieur brut, richesse du territoire) Mahorais ou l’IDH (Indice de développement humain) selon ce qu’on retiendra, devra être le même qu’en métropole.»

Pour cela, le gouvernement doit avoir «le courage politique d’affronter l’opinion publique hexagonale», et changer l’image des Outre-mer, «caricaturés comme les danseuses de la République. Les Outre-mer sont bien une chance pour la France, et le canal du Mozambique en particulier est une situation privilégiée à valoriser».

Pour en représenter ses entreprises, le président de la FEDOM dit penser Outre-mer matin, midi et soir, «c’est pourquoi je pense que les années 2015 et 2016 seront déterminantes pour Mayotte. Le dynamisme entrepreneurial ne s’est pas reconstitué après 2011, et les acteurs ont besoin de dégager les axes de développement du territoire.»

Impossible de parler tourisme sans traiter l’insécurité

Une zone franche d'activité concentrée à un quartier élargi
Une zone franche d’activité concentrée sur un quartier élargi

L’un d’entre eux, la zone franche d’activité urbaine est avancée par Thierry Galarme. Les exonérations de charges dans des zones ou quartiers défavorisés sont censées y stimuler l’implantation de nouveaux établissements. Mais d’autres axes sont à étudier, et des choix à opérer : «le désenclavement de Mamoudzou, le pont entre Petite et Grande terre, l’assainissement, la formation…»

Mais impossible de parler tourisme en l’état actuel selon lui:«il faut traiter avant tout l’insécurité, sans pour autant l’inclure dans les axes de développement, mais comme une action parallèle et indispensable à toute réalisation.»

La Fedom qui se targue d’avoir obtenu des avancées l’année dernière comme le doublement de la capacité d’investissement dans les Outre-mer, l’accroissement du Crédit d’impôt à 9 voire 12% selon les secteurs, la «tropicalisation» du crédit d’impôt Transition énergétique, le maintien de l’octroi de mer, compte bien jouer les fées se penchant sur le berceau mahorais, «mais il faut nous aider à dévider la pelote de laine en commençant par un bout».

C’est l’objectif de la conférence qui s’est tenue ce lundi qui a accouché avec sa soixantaine de participants, à une première stratégie de développement pour Mayotte.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

*Dépenses budgétaires brutes 2013, crédits de paiement en exécution (effectivement dépensés):
Métropole : 5.234€, Mayotte : 3.518€ (62,1%), DOM-COM : 5.234€ (92,3%)
(Source Document de politique transversale Projet de loi de finances 2015)

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