CARNET DE JUSTICE DU JDM. Le prévenu était connu de la justice. Relaxé dans une agression au fer à repasser, il avait déjà été condamné pour des menaces de mort. Mais cette fois, c’est sa famille qui a osé porter plainte contre celui qu’elle présente comme un tyran qui rendait la vie impossible à ses proches.
Les faits sont tellement dérangeants qu’ils font voler en éclat toutes les précautions de langage habituelles dans la salle d’audience du tribunal correctionnel. Le 19 octobre 2013, l’homme très alcoolisé entre vers 20h dans la pièce où dorment quelques-uns de ses enfants. Il sort son sexe de son pantalon, attrape la tête de son fils âgé de 6 ans et lui demande dans des termes très crus une fellation. Le petit se débat, parvient à se dégager et l’intervention d’une de ses filles plus âgée et de la mère interrompent l’insupportable.
C’est un climat familial très particulier que découvre le tribunal. L’homme est séparé de la mère de ses enfants depuis plus de 7 ans mais tout le monde continue de vivre au même endroit, à Dzaoudzi-Labattoir. «Il habitait avec cette femme avec laquelle il ne s’entendait pas», explique son avocate, Me Gaem. Le terrain appartient en effet à la famille de l’homme mais son ancienne compagne et ses enfants n’ont pas d’autre endroit pour s’installer.
Une vie insupportable
Le père terrorise tellement ses proches que les enfants ne sont même pas sûrs qu’il soit leur père. «C’est quelqu’un qui mangeait à la maison mais il injuriait notre mère tout le temps», disent les gamins. On parle de coups, on parle d’insultes contre les gamins jusque devant le collège, on parle de menaces qu’il aurait même proféré à la sortie de la 1ère audience, le 15 avril dernier, demandant fermement à sa fille de ne pas témoigner contre lui.
A la barre, hier mercredi, l’adolescente vit un moment très difficile. Elle raconte la scène de sa voix fluette. Evidemment, les larmes la submergent mais elle parvient tout de même à contredire la version de son père qui nie les faits.
Pourtant, le prévenu avait d’abord reconnu ses agissements face aux gendarmes avant d’indiquer que c’était une blague… Sans que personne ne comprenne vraiment à quel humour un tel comportement peut bien renvoyer.
Il met surtout son attitude sur le compte d’une consommation d’alcool régulière et particulièrement excessive, des états d’ivresse permanents auxquels il aurait mis un terme depuis son passage en prison. Il est resté près d’un an à Majicavo en détention provisoire.
Pour Me Hassan, l’avocate de la famille, la situation est simple: «la famille attend surtout votre protection pour retrouver une vie sereine et normale», demande-t-elle à la cour.
Le procureur Garrigue, retraçant l’historique du dossier, explique que le juge d’instruction a tenté de «faire la part de ce qui pouvait être du domaine des faits et la part de règlement de compte.» Pour lui, les éléments les plus convaincants du dossier accablent le prévenu. «Je veux bien qu’on ne soit pas dans une famille simple et qu’il y ait des contentieux… Mais il y a bien agression sexuelle», tranche-t-il. Il demande 4 ans de prison dont un an et demi ferme.
Un terrible huis clos familial
Me Gaem, l’avocate du prévenu, tente elle-aussi de démêler les différents éléments. Elle parle d’enfants manipulés, instrumentalisés et une accusation qui n’est pas si constante. Le prévenu «est un mauvais père, tout le monde est d’accord, il était alcoolique et il se disputait toujours avec sa femme. Il a une intelligence faible mais la question est de savoir jusqu’où peut aller une famille pour se débarrasser de quelqu’un de nuisible?»
Pour elle, dans ce huis clos familial, c’est parole contre parole et les éléments manquent pour le condamner.
Le tribunal va finalement trancher : l’homme est condamné à 3 ans de prison, une année ferme et deux autres avec sursis et mise à l’épreuve. Il devra se plier à une obligation de soin et ne pourra plus se rendre au «domicile maternel», mais il a la possibilité de garder un contact avec les victimes qui sont ses enfants.
Il devra verser 3.000 euros pour le préjudice moral à son fils, 1.000 euros à la mère et 500 euros de frais de justice.
RR
Le Journal de Mayotte