CARNET DE JUSTICE DU JDM. L’article remonte au 9 mars dernier. Le quotidien France Mayotte Matin (groupe Kwezi) publie ce jour-là l’interview de David Weber, un ancien salarié de la Somaco, qui dénonce les conditions de travail et de vente au sein du groupe de distribution.
Le couple à la tête de la société, «Sam» Aziz Akbaraly et son épouse Caoneine, estime que ce contenu porte atteinte à son honneur et à celle de sa société. Il porte plainte pour diffamation et ce mercredi matin, Patrick Milan en sa qualité de directeur de la publication et responsable de la société Edimay, Samuel Boscher en tant que journaliste et David Weber se retrouvent sur les bancs des accusés.
Face à eux, la Somaco et ses dirigeants font intervenir un avocat parisien spécialiste de ce type d’affaires, Me Morain, associé pour l’occasion à Me Konde. «Ce n’est pas un procès de la liberté d’expression ou de la liberté de la presse. On parle d’un article qui veut faire passer pour une information ce qui n’est que cancan, rumeur et règlement de compte», commence Me Morain.
Pour l’avocat, si «les journalistes sont les chiens de garde de la démocratie», faire «des révélations», ça obéit à des règles : «chien de garde ou roquet, il faut savoir où on est.»
«Règlement de compte»
Ce sont 4 passages de l’article que la Somaco reproche à FFM. «On impute à la Somaco une infraction à la législation du travail, une corruption active, des faits de procédure douanière et une infraction à l’hygiène et à la sécurité du consommateur». Pour Me Morain, si la diffamation est «incontestable», «l’excuse de bonne foi» dont peut se prévaloir la presse ne tient pas dans cette affaire.
Pour l’avocat, il s’agit bien d’un règlement de compte aussi bien de la part d’un salarié qui a quitté la société, que du groupe Kwezi qui veut «se faire la Somaco» après avoir perdu, en 2012, un procès au tribunal de commerce contre le groupe de distribution. Quant à l’enquête qui doit être «sérieuse et contradictoire», elle se résume pour l’avocat à deux coups de fils passés en vain aux dirigeants la veille de la publication.
Un débat sur la place publique
C’est évidemment tout autre chose que l’on entend lorsque Me Journiac prend la parole pour défendre David Weber. Elle raconte le parcours de son client au sein de la Somaco, devenu superviseur des magasins du groupe après 2 ans passés dans l’entreprise. C’est en 2013 que tout se serait gâté après son élection au comité d’hygiène. «Il a entendu les voix qui n’ont jamais osé parler», explique l’avocate, «la peur, le harcèlement, le temps de travail pas respecté, le flicage constant…»
Il aurait alors porté ces réclamations auprès de la direction. «En un an, il subit 11 mutations et il est discriminé à son tour», avant finalement d’être «mis au placard», affirme l’avocate.
Me Journiac indique pourtant que David Weber ne porte aucune animosité contre la société et ses dirigeants. La meilleure preuve serait une longue lettre de 3 pages écrites au moment de quitter la société dans laquelle il affirme : «Je n’ai rien contre vous».
«Il choisit la voie de la presse pour raconter ce qu’il a vu, une parole légitime après plus de 5 ans dans la société», relève l’avocate. Il n’y a «aucune expression outrageante» mais uniquement «des faits». Evoquant «les Mahorais et les clandestins qui jamais n’osent saisir le tribunal parce qu’ils ont des cartons de mabawas décongelés puis recongelés», «moi, je remercie M. Weber d’avoir porté ce débat sur la place publique», conclut l’avocate.
Les produits périmés
Vient enfin la plaidoirie de Me Kamardine qui défend FMM, Patrick Milan et Samuel Boscher. Pour lui aussi ce procès est important. Il doit permettre de définir «pour la presse, ce qu’on peut dire ou pas, pour la Somaco, ce qu’on peut faire ou ne pas faire.»
Il balaie les accusations de rancune et compte faire valoir la bonne foi de ses clients en déposant un sac de courses, faites à la Somaco, dont les produits présentés comme périmés viendraient «confirmer les pièces antérieures.»
Pour le bâtonnier, l’article relève d’un sujet d’intérêt général et il est normal que la presse puisse évoquer les comportements et les responsabilités du N°3 de la distribution à Mayotte.
La Somaco réclame 50.000 euros de dommages et intérêts et 20.000 euros pour chacun des deux dirigeants, soit un total de 90.000 euros. On connaîtra le verdict le 9 septembre.
RR
Le Journal de Mayotte