A l’occasion de l’Aïd-el-Fitr, le JDM vous propose de partir chez nos voisins de La Réunion qui célèbrent, eux aussi, la fin du mois sacré ce samedi. Nos confrères du JIR consacraient un dossier à l’Islam dans l’île. L’occasion de découvrir des pratiques aux origines métissées.
« Il n’y a pas un islam, mais des islams. Si le dogme et la jurisprudence islamiques sont sacrés et universels, la manière dont l’islam est pratiqué peut avoir des spécificités selon les pays où il est implanté». La sociologue Marie-France Mourregot connaît bien la religion musulmane telle quelle se pratique à La Réunion. Elle est l’auteur d’un ouvrage sur le sujet, publié chez l’Harmattan en 2008 et s’est entretenue avec nos confrères du JIR.
Dans l’île Bourbon, l’islam est le fruit d’un grand métissage à l’image de la population de l’île. «La première fois qu’un musulman est mentionné comme habitant l’île, c’est en 1704 où parmi 34 esclaves recensés, un est qualifié de More», originaire d’Inde, explique Ismaël-Amode Daoudjee, qui a signé «Les Indo-musulmans gujaratis», publié par le Grather. Viendront ensuite, plus nombreux, les esclaves de l’ensemble du sous-continent indien et d’autres encore des côtes bordant la mer Rouge : Oman, Mascate, Yémen mais aussi de l’archipel des Comores, du Mozambique et de Zanzibar.
L’impossible pratique religieuse
«Entre 1804 et 1902, il fut recensé 2.084 Comoriens travaillant dans les champs de cannes et les usines sucrières. 8 à 10% des engagés indiens étaient de confession musulmane. Ils se sont vite trouvés minoritaires dans la population soit chrétienne, soit hindouiste et de ce fait, très rapidement, ont intégré les groupes dominants et perdu la pratique de l’Islam».
De plus, «ces Musulmans du fait de leurs conditions sociales n’ont jamais pu pratiquer le culte islamique puisqu’ils étaient tenus pour esclaves ou engagés. Seul le culte catholique apostolique romain était reconnu par le Code Noir», détaille Ismaël-Amode Daoudjee.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, l’arrivée de marchands musulmans de l’État du Gujarat permet à l’islam réunionnais de s’organiser jusqu’à la construction de la première mosquée, à Saint-Denis achevée après 7 ans de travaux et inaugurée le 28 novembre 1905, avec le Sultan Saïd Ali des Comores, en exil à la Réunion, qui reçoit en personne les invités.
Au-delà des cultures
La particularité de l’islam à La Réunion est qu’il transcende toutes les cultures sans entrer en conflit avec aucune. « L’islam réunionnais qui se vit sur une terre de croyances multiples, bénéficie de l’exception réunionnaise qui veut et permet que chacun pratique la religion de son choix, sans problème. Il y est plus facile d’être musulman qu’en métropole », souligne Marie-France Mourregot.
Aujourd’hui, les musulmans sont divers et aux indiens, toujours majoritaires, s’ajoutent ceux issus des Comores, de Mayotte et, plus récemment, du Maghreb. À La Réunion comme ailleurs, les choses évoluent. « La société réunionnaise et la frange majoritaire de la communauté musulmane n’ont pas échappé à la standardisation des modèles occidentaux», remarque Marie-France Mourregot pour qui «tout ce bel édifice se fragilise avec le temps.»
Internet et les réseaux sociaux sont passés par là, devenant pour certains «des lieux de rencontres improbables et incontrôlables où quelques esprits, en quête de sens ou formatés par un enseignement conservateur basé sur l’imitation du prophète et de ses compagnons, peuvent se laisser séduire par des discours radicaux».
Tels que nous sommes
Ismaël-Amode Daoudjee rappelle qu’aucune société n’est à l’abri de dérives. «La Réunion, a elle aussi lors des périodes de crise, connue la xénophobie. Nous avons réussi à la combattre et devons rester vigilants pour maintenir l’unité de notre population. Nous avons généré une communauté unie où toutes les croyances, toutes les cultures, tous les us et coutumes apportés par nos ancêtres et aussi tous les apports modernes sont assimilés par tous ses habitants.»
Et en ce jour, de fête de l’Aïd-el-Fitr, il ne veut pas évoquer la notion de «tolérance». «Je n’aime pas ce mot qui signifie : supporter un fardeau, endurer, tenir bon, résister. Nous n’avons pas à nous tolérer les uns les autres, nous avons à nous accepter tels que nous sommes, à nous aimer dans notre Humanité tant que nous respecterons la liberté de chacun d’entre nous sans vouloir nous imposer. Combattons tout extrémisme quel qu’il soit. Combattons les déviants de tel ou tel groupe religieux qui s’excluent eux-mêmes de leur communauté ».
Ide M’Baraka à tous !
RR
Le Journal de Mayotte
avec le JIR
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