Ils sont 41 professionnels du lagon à signer une pétition pour une révision de la réglementation des pêches et dénoncer «l’inefficacité» des services de l’Etat face à «la disparition programmée» de la vie sous-marine à Mayotte. Ils étaient reçus à la préfecture la semaine dernière.
La liste des signataires est très longue : clubs de plongée, association environnementales, prestataires nautiques, bureaux d’études, entreprise de travaux sous-marins… Ces 41 professionnels sont liés au lagon de multiples façons. Ils se sont tous retrouvés autour d’un constat simple et évident : «la ressource halieutique du lagon est entrée dans une phase de disparition programmée».
Ils ont donc adressé une pétition au préfet Morsy avant d’être reçus la semaine dernière par le SGAR, le secrétaire général pour les affaires régionales, Alain Faudon, avec un objectif : faire changer très rapidement les choses.
Car pour eux, les causes de cette crise écologique sont clairement identifiables, ce sont les conditions de pêche actuelles. Deux méthodes de pêche sont dans leur collimateur pour être «responsables de l’extermination de la ressource du lagon». Tout d’abord, la pêche professionnelle au filet.
Des pratiques destructrices
Le lagon doit ainsi supporter «un nombre incontrôlé de barques non déclarées aux affaires maritimes et qui pratiquent la pêche au filet, pêche normalement réservée aux professionnels». Les signataires parlent de fausses immatriculations, de travail illégal, de filets non-déclarés et posés sur des zones interdites (corail, herbier, mangrove)… «Sur 50 signalements de braconnage déclarés par l’un des signataires, aucun déplacement de vos services n’a été effectué», indiquent-ils au préfet.
Mais plus surprenant, la pétition s’attaque aussi à la pêche de loisir, une activité de plaisance qui prend des proportions impressionnante avec 1.229 bateaux actuellement immatriculés sur le lagon.
«Le manque d’humilité des pêcheurs de loisirs les pousse à ramener aux pontons souvent plusieurs dizaines de kilos de poissons. Pour en faire quoi?» s’interrogent les signataires pour mieux dénoncer le fait que «certains de ces pêcheurs sont connus des Affaires Maritimes pour revendre le produit de leur pêche». Ce qui est strictement interdit. «Pour autant, là encore, les Affaires Maritimes restent impuissantes face au travail à accomplir pour mettre fin à ce commerce illégal.»
Les manquements des services de l’Etat
Ces deux méthodes de pêche sont réglementées mais pour les signataires, «l’ensemble des services de l’Etat (Parc Naturel Marin, Affaires Maritimes, Brigade Nature, Gendarmerie Maritime) ont reconnu leur incapacité à faire appliquer ces réglementations». Et les signataires poursuivent : «Leur inefficacité face à ces actes de braconnages avérés» est due à tous les manques : financiers, humains, matériels, judiciaires… mais on pourrait aussi rajouter de stratégie.
Car en plus de cette pétition, les professionnels n’hésitent pas à pointer du doigt les responsabilités plus directes du parc naturel marin (PNM) qui a introduit la pêche au filet (à la cène) à Mayotte. Le PNM a mis en place des formations il y a quelques années sans imaginer que ces techniques pouvaient être dévoyées. Le parc ne s’est donc pas donné les moyens de contrôler l’utilisation des techniques nouvelles qu’il introduisait dans le département. «La cène doit se pratiquer au large et non sur le récif où elle dévastatrice», explique un des signataires.
La volonté d’un classement à l’épreuve
Au-delà des responsabilités, qu’il est toujours intéressant de dégager pour ne plus répéter les mêmes erreurs, les signataires espèrent trois décisions. L’abrogation de l’arrêté qui règlemente la pêche au filet et plus encore, «la mise en place d’un arrêté visant à interdire la pratique de la pêche au filet». Ils souhaitent également introduire des quotas pour les prises de pêche de plaisance.
Pour être sûrs d’être bien compris, ces professionnels du lagon prennent également soin de lister les conséquences de tous ces manquements cumulés dans les eaux mahoraises. De la disparition de nombreuses espèces au dérèglement des cycles de reproduction en passant par «une augmentation de la fréquentation des requins à l’intérieur du lagon ainsi qu’un changement de comportement de leur part», la situation a de quoi inquiéter. La réponse de l’ensemble des autorités semble effectivement urgente et nécessaire. Le Premier ministre n’a-t-il pas engagé l’Etat dans la voie du soutien au classement du lagon au patrimoine mondial de l’UNESCO ?
RR
Le Journal de Mayotte
*Le collectif d’associations et les professionnels signataires de la pétition :
Les associations : Messo (Protection du lagon et activités sportives), Atoll (Protection du lagon), Gepomay (Protection de la nature), Mayotte Plage Propre (Protection de l’environement), Mayotte Ile Propre (Protection de l’environnement), Ecomer (Valorisation du milieu marin), Mayotte nature et tradition (Protection de l’environnement)…
Les clubs de plongée : Hippocampe plongée, Nautilus, Maji club, Mayotte expl’eau (Ecole de sports subaquatiques), Lagon maore, Happy divers, Abalone, Nyamba club,
Les prestataires nautiques : Alamanda boat, Mayotte lagon, Lagon aventure, Nautile, Sea blue safari, Mayotte decouverte, Planete bleue, Manga be croisieres,
Mais également, les Passagers du vent (Société d’aviation légère), Mayotte voile (Club de sports nautiques), ISSEO (Travaux sous-marins Mamoudzou), Bateau école trevani, ISIRUS (Bureau d’études expert maritime), un pêcheur professionnel, un photographe.
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