A 30 ans, Kalame Soilihi a monté une entreprise de réparation de deux-roues. Fièrement, il vient de fêter sa sortie de la couveuse d’entreprises Oudjérébou, l’aboutissement d’un long parcours pour cet enfant de Kawéni qui incite les jeunes à se prendre en main.
La couveuse d’entreprise Oudjérébou a l’habitude de célébrer la sortie des entreprises qu’elle a accompagnées. Mais la petite fête organisée en l’honneur de Kalame Soilihi avait une saveur particulière. La réussite de Kalame, enfant de Kawéni, était loin d’être acquise et elle a valeur d’exemple.
«Ca fait longtemps que je suis mécano mais j’ai commencé l’entreprise sans rien savoir. Comment on fait une comptabilité, comment on va chercher des clients… Et j’ai résisté !» dit-il en plaisantant à moitié. Car Kalame a intégré la couveuse en février 2014. Il devait y rester un an mais, exceptionnellement, il a obtenu 6 mois supplémentaires, accordés par la DIECCTE et Pôle emploi. Il n’était pas encore prêt à être un vrai patron autonome.
Il a du tout apprendre y compris à créer une grille de tarifs qui lui permette de vivre. Car passer de l’économie informelle à une activité déclarée, ça implique de faire des déclarations, de payer des charges et des impôts… tant en essayant de dégager un salaire.
«C’est un ancien couvé qui nous l’a présenté. Et on lui a donné sa chance», explique Nassem Zidini, le directeur d’Oudjérébou. «L’entretien n’a pas été facile face au jury. Il avait besoin qu’on lui montre qu’on pouvait lui faire confiance.»
Le CV d’un gamin de Kawéni
Kalame répare les deux-roues chez lui, dans la cour où il habite dans le quartier Lazérévouni de Kawéni mais il se déplace aussi au grès des appels de ses clients*. «Quand le client m’explique comment il est tombé en panne, j’ai déjà une idée. Ensuite je vais voir et je peux revenir avec des pièces si j’ai besoin. Et je peux intervenir partout, même sur Petite Terre !»
Il a toujours vécu à Kawéni. «Mon père est de Petite Terre et ma mère de Poroani», explique-t-il. La scolarité a été courte, les mauvaises influences l’amènent plutôt sur les plages et dans la rue que dans les salles de classes. Il maîtrise la mécanique depuis une formation dispensée par Tama… Mais il a connu le sort de la plupart des jeunes du quartier : «Quand j’arrive avec mon diplôme, on me demande d’où je viens. Et quand je dis Kawéni, il ne jette même pas un œil dessus. C’est fini. Je peux partir».
Pour travailler, pas pour voler !
«Ma sœur m’a dit, ‘va à la mission locale sinon tu vas le regretter’. C’est ce que j’ai fait», explique-t-il reconnaissant. Il termine effectivement sa formation à La Réunion en 2002 grâce à la mission locale de Saint-Denis avant de revenir à Mayotte où un patron lui fait enfin confiance. «Il s’est dit, lui, c’est un foundi, il vient pour travailler pas pour voler mes outils !» Et maintenant, le voici à la tête de sa propre boite.
A 30 ans, il porte un regard critique sur les plus jeunes qui «veulent tout, tout de suite. Ils veulent le travail sans les formations et sans l’école !»
Si la boutique de gestion (BGE) va prendre le relai pour l’épauler, la couveuse va continuer à garder un œil sur lui, pour être certain que la belle histoire continue. Et Kalame a déjà beaucoup d’autres projets qu’il se promet de réaliser : «On peut faire plein de choses bien à Kawéni ! Moi, je veux faire un centre de loisirs pour les jeunes qui sont dans la rue, comme ce que j’ai vu à La Réunion. Là-bas, j’étais aussi dans une association où on faisait du BMX**. Je voudrais monter ça pour les jeunes.» Mais il se donne du temps. Avec son expérience, il a appris que les projets se construisent les uns après les autres.
RR
Le Journal de Mayotte
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