Lors d’une conférence de presse commune hier, les présidents de la région et du département Réunion, Didier Robert et Nassimah Dindar, ont fustigé le passage en force du gouvernement sur la représentation de Mayotte. Et mis une nouvelle bûche politique dans le brasier des Jeux.
La flamme s’est éteinte dimanche dernier, au stade olympique de Saint-Paul, et l’étendard des Jeux s’est envolé vers les Comores. Mais le brasier créé par la polémique du retrait de l’archipel et l’embargo ensuite décrété sur les hymnes et drapeaux lors des protocoles n’a pas fini de déverser ses cendres et de répandre son épais nuage de fumée.
Jusqu’ici resté silencieux, Didier Robert, le président (Les Républicains) de la Région Réunion s’est exprimé hier jeudi lors d’une conférence de presse commune avec la présidente du Département Nassimah Dindar (UDI). Cette dernière a rappelé qu’elle avait « été choquée que le CIJ (Conseil international des Jeux, Ndlr) décide de ne plus mettre de drapeau et d’hymne nationale » lors des cérémonies protocolaires.
« les jeux pris en otage »
Elle l’avait déjà démontré par les actes. Alors que le CIJ venait de décider de retirer toute représentation nationale sur les podiums, elle avait déployé le drapeau français au judo, avant le podium du porte-drapeau Matthieu Dafreville. Didier Robert a lui attendu la clôture des Jeux pour se faire entendre. Et dénoncer hier des « actes graves et des décisions prisent qui entachent les Jeux des îles, le monde sportif et d’une certaine manière la Réunion. Ça risque de laisser des traces dans nos relations avec nos voisins dans les mois et les années qui viennent ».
Il visait le gouvernement – rappelons-le du bord politique opposé – accusé d’avoir « pris en otage les Jeux pour des questions politiques. Pourquoi attendre les Jeux pour passer en force alors que les Comores sont indépendantes depuis 1975 et que le conflit (avec Mayotte) date de plusieurs décennies, a-t-il questionné. Il y a une vraie responsabilité du ministre (Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Ndlr) dans ce qui s’est passé et il lui appartient d’en porter les conséquences ».
La lettre à Ibrahim Aboubacar
Les élus se sont appuyés dans leur charge contre le gouvernement sur une lettre de la ministre des Outre-Mer George Pau-Langevin datée du 6 mars 2015, en réponse au député (socialiste) de Mayotte Ibrahim Aboubacar qui s’inquiétait de la représentation du 101e département français durant les Jeux, lui assurant que l’État « prendra les mesures nécessaires pour s’assurer que Mayotte (ait) toute sa place en tant que collectivité française dans les prochains Jeux des îles ». Sous-entendu que Mayotte arborerait les symboles de la République avec le kit drapeau et Marseillaise, en totale contradiction avec l’article 3 de la charte des Jeux (voir par ailleurs).
« La France a volontairement ignoré la charte, a asséné Didier Robert. C’est le point de consensus pour pouvoir organiser les Jeux. Quand ils débutent, il ne doit plus y avoir de problèmes. Quand les Comores quittent les Jeux, c’est un échec. La diplomatie en amont doit faire en sorte que toutes les îles de l’océan Indien participent aux Jeux ».
Les collectivités locales écartées
Une diplomatie dont les présidents de collectivités locales ont été écartés considèrent-ils. Le fiasco politique et diplomatique de ces Jeux étaient leur permettait de le rappeler. Saisissant aussi l’occasion de récupérer politiquement l’événement sportif en affirmant leur poids dans la zone.
« Peut-être aurait-on dû associer les collectivités de la Réunion et les associations mahoraises en amont », a souligné Nassimah Dindar. « La diplomatie n’appartient pas à nos prérogatives mais au gouvernement, a appuyé Didier Robert. Mais on ne peut pas dire aux collectivités locales qu’elles ont la responsabilité de la coopération décentralisée si dans le même temps nous sommes absents de toute une partie importante. Nous devons être informés ».
Soutien aux Comores
À l’heure des grandes régions et de l’élargissement des compétences des collectivités locales prévue pour début 2016, le message n’est pas codé à l’encontre des élus parisiens. Pas plus que le soutien total aux Comores en vue de l’organisation des Jeux de 2019.
« C’est tout de suite qu’il faut reprendre le dialogue (avec les Comores), a souligné Nassimah Dindar. Nous devons dès à présent aider l’état comorien pour qu’il puisse accueillir les Jeux. La coopération française pourrait avoir un rôle structurant pour aider les Comores à sortir de la pauvreté ».
Ça n’a jamais été le but des Jeux, qui comme c’est écrit dans les premières lignes de la charte, article 1, a pour but d’ « instaurer l’amitié et la compréhension entre les peuples des îles de l’océan Indien » et de « contribuer à la coopération régionale pour le développement du sport ». On en est loin, alors que le jeu politique a étouffé les Jeux, et continue de le faire.
Hervé Brelay
Le JIR