CARNET DE JUSTICE DU JDM. Ce devait être le début d’une nouvelle vie. Arrivé de La Réunion, un jeune couple pas encore trentenaire s’est installé à Mayotte, avec de l’ambition à revendre. Lui achète un commerce, elle monte sa propre structure, ils s’installent à Koungou. Mais leurs rêves de réussite vont se fracasser sur la crise sécuritaire mahoraise. Deux vols de scooter, la recette dérobée un soir à la fermeture et puis le cambriolage de trop.
Le 31 mars dernier, le couple rentre de La Réunion où il vient de finaliser l’achat du fonds de commerce. Pas le temps de célébrer l’événement, la maison est sens dessus dessous. La veille, dans la nuit, un individu est entré «par ruse». Il a écarté les lamelles d’un naco et a aperçu un jeu de clés posé sur un meuble. Il se saisit d’un bout de bois et joue à la pêche à la ligne. Bingo ! Il récupère le trousseau, entre et se sert : quatre disques durs, caméra, appareil photo, ordinateur portable, des bijoux…
Il aurait pu disparaître dans la nature pour toujours mais il laisse des traces : une belle empreinte sur une boite va le confondre. Il est déjà bien connu des services de police et de justice. Il a été condamné à deux reprises pour des faits similaires avec le même mode opératoire. En juillet 2013, il a pris 2 ans de prison puis en août 2014, 4 mois de détention qui vont se confondre avec la 1ère peine.
Pas un hasard
Il est donc en état de récidive légale ce lundi après-midi, à la barre de son procès en comparution immédiate. Il a été interpellé samedi soir, les gendarmes ont reconnu son visage diffusé parmi les personnes recherchées. Un mandat d’arrêt était lancé depuis le 5 mai.
Placé en garde à vue, il reconnaît les faits sans difficulté. Il explique qu’il était soul, ce dont le tribunal doute compte tenu de son agilité dans la récupération des clés. Il serait remonté au hasard depuis la plage vers cette maison, précisément vide de ses occupants. Cette fois-ci, c’est le couple de victimes qui émet des réserves. «La lumière à l’extérieur est toujours allumée la nuit. Mais quand nous ne sommes pas là, elle aussi allumée le jour. Il avait dû repérer la maison», explique le mari.
Voler ce qui se revend
Le matériel hifi a été revendu 400 euros «à un Anjouanais arrivé en kwassa». En revanche, il se serait débarrassé des bijoux en les jetant sur la plage. «Je ne savais pas ce que c’était», dit-il à la barre. Voleur sans aucun doute, crétin sûrement pas. Les victimes notent que seuls les bijoux en or jaune ont été emportés, pas ceux en or blanc. Il en ignorait probablement la valeur.
A la barre, il revient sur son parcours au fil des derniers mois. Il est sorti de Majicavo le 6 octobre 2014. Expulsé dès sa libération, il se retrouve à Anjouan où sa femme a refait sa vie avec un autre homme. Dispute, bagarre, le prévenu frappe le nouveau compagnon de son ex mais les familles s’en mêlent. Menacé à son tour, il est contraint de quitter Anjouan. Retour à Mayotte, à la misère, au vol.
Laisser à d’autres les rêves brisés
Les victimes sont venues. Et face à la longue liste de ses déboires mahorais, l’émotion submerge le mari: toutes les photos depuis qu’ils ont 15 ans perdues, comme des bijoux précieux à leurs yeux et plus encore la fin de la notion de tranquillité. Ils parlent de quitter Mayotte, de revendre ce qu’ils ont acquis pour laisser peut-être à d’autres, leurs rêves qui se sont dissipés.
La procureure Prampart n’a plus qu’à dérouler son argumentaire. Un prévenu qui n’a rien compris, sans autres perspectives que le vol. Il risque 14 ans, elle requiert 4 ans ferme et une ITF de 10 ans.
3 ans de prison ferme
«Ca ne sert à rien», répond en substance Me Matoir, l’avocate du prévenu. L’ITF ? Il se sent en danger de mort aux Comores, il reviendra de toute façon. La prison ferme ? La peine a déjà prouvé son inutilité… «Prononcez un sursis pour lui permettre de régulariser sa situation et se stabiliser», plaide l’avocate.
La cour a condamné le pêcheur à la ligne à une peine de 3 ans de prison ferme. La décision sur les dommages et intérêts réclamés par le couple sera prise lors d’une audience civile en octobre. Le condamné est parti pur Majicavo. Pas sûr qu’il y trouve un bâton pour récupérer le trousseau de clés de la sortie.
Quant au jeune couple, il est sorti un peu déçu mais en même temps soulagé de la fin de cet épisode.
RR
Le Journal de Mayotte