Mayotte reçoit la visite du délégué général à la langue française et aux langues de France. Il rédige un rapport commandé par le Premier ministre sur la maîtrise du français sur l’ensemble du territoire. A Mayotte, la question mobilise enfin.
«L’apprentissage du français, c’est l’apprentissage de la citoyenneté», attaque d’emblée Loïc Depecker face à l’équipe éducative de l’école Pamandzi 5. Assis à côté de la vice-recteur, il présente l’objet de son passage à Mayotte : rédiger, sur demande de Manuel Valls, un rapport sur la maîtrise du français sur l’ensemble du territoire. «Le message du Premier ministre était ‘Je souhaite que tous les citoyens aient accès au français’», explique Loïc Depecker. Il s’agit de dresser un constat et de proposer des pistes d’améliorations face aux problèmes constatés.
Visite d’écoles et de collèges, rencontre avec les équipes éducatives et celles du vice-rectorat, pendant deux jours, au pas de charge, il va tenter d’appréhender les problématiques de la langue française dans notre département, avant d’enchaîner avec La Réunion. «Je me penche, sur l’ensemble du territoire, sur l’apprentissage, l’approfondissement et la maîtrise du français, donc du tout début de l’approche de la langue à son utilisation immédiate en n’importe quelle circonstance», précise Loïc Depecker.
Institutions et entreprises
Avec ce rapport à remettre fin septembre, il arpente les différents territoires de la République. En banlieue parisienne pendant les vacances, dans l’océan Indien avant Toulouse puis le Nord la semaine prochaine, il veut trouver «les questions qui reviennent» et les problématiques qui se posent en fonction de l’usage du français comme langue maternelle ou non.
«Les grands acteurs sont demandeurs de coordination», explique Loïc Depecker qui nous apprend, au passage, que l’enseignement du français aux nouveaux arrivants sur le territoire est du ressort du ministère de l’intérieur… Une mission qui n’a, semble-t-il, pas été étendue à Mayotte.
Le rapport concernera aussi les entreprises, qui doivent offrir un droit individuel à la formation depuis la loi du 5 mai 2014. Et cette formation peut, bien entendu, être un approfondissement de la langue française. «Dans les entreprises, le taux de difficultés en français est tout à fait important mais aussi inchiffrable», relève Loïc Depecker.
Revaloriser les langues mahoraises
Cette visite a le mérite d’éclairer sous un jour nouveau les rapports entre les langues. Longtemps, la seule évocation de l’utilisation du shimaoré ou du kibushi en classe provoquait des réactions de rejet immédiates au vice-rectorat. Les temps ont changé mais dans les faits, on n’en est encore qu’à un tâtonnement pour permettre aux enfants d’être à l’aise avec leur double culture.
Pour cette rentrée, pas question de parler d’enseignement de «français langue étrangère». Il faut dire «français langue de scolarisation». «C’est un ensemble de dispositifs déployés simultanément et qui doivent converger vers l’amélioration de la maîtrise de la langue. On va travailler sur du bilinguisme notamment en maternelle ou encore avec des outils numériques au collège…» indique Nathalie Costantini, la vice-recteur. 40 formateurs ont été préparés, qui ont à leur tour formés 20 personnes chacun et le cycle va continuer.
Le bilinguisme comme un outil
Il s’agit donc d’utiliser la langue mahoraise comme un outil et, enfin, de la valoriser «pour que les élèves ne soient pas dans une forme de honte de leurs racines», indique la vice-recteur. «Un changement d’approche», dirait délicatement Loïc Depecker.
De fait, en plus de sa venue, deux universitaires de Rouen devraient rejoindre notre département pour travailler sur l’usage de la langue en maternelle. Un partenariat est également en cours de finalisation avec la Guyane et Grenoble pour «faire un grand projet inter-académique» sur la question.
Enfin la mise en place de l’évaluation en français et en mathématique au début du CE2 pourrait être un bon outil de travail pour déceler les bonnes stratégies d’apprentissage mises en place par certains enseignants. Et celles qui mériteraient d’être révisées.
RR
Le Journal de Mayotte