Après le sacre de Ramatou, retour sur le phénomène Miss Mayotte. Alors que l’événement ne cesse de prendre de l’ampleur, il continue à se heurter au poids des traditions et du regard social, et se pare des atours de l’émancipation féminine.
Le rendez-vous semble installé. Jamais l’élection de Miss Mayotte, organisée à Pamandzi hier samedi soir, n’avait attiré autant de monde. Près de 600 personnes ont déboursé 25 euros pour assister au spectacle et au couronnement de Ramatou.
«Plus de 550 places étaient prises samedi à midi, des comités d’entreprise nous ont contacté pour acheter des places… Il y a un vrai phénomène», se réjouit Franck Servelle, représentant à Mayotte du comité Miss France. Autre évolution, les prétendantes étaient également des candidates spontanées cette année.
Ce n’est pourtant pas toujours facile pour les jeunes filles de se présenter. D’un côté, il faut parfois braver certains interdits familiaux pour que les parents ou les grands-parents acceptent que leur fille devienne, le temps d’une soirée ou plus, une figure publique que l’on regarde et juge sous tous les angles.
C’est d’ailleurs le 2e écueil sur lequel s’échoue de nombreuses candidatures : faire face aux critiques et affronter les réseaux sociaux, qui étaient particulièrement déchaînés après l’élection de Ramatou.
De nombreuses «Mahopolitaines»
Conséquence, de nombreuses candidates reviennent de métropole où l’émancipation semble plus facile. Ce qui interroge jusqu’à Miss France. En conférence de presse samedi matin, elle expliquait que les 7 candidates avaient passé une sorte d’entretien de motivation devant les membres du jury. «Nous avons beaucoup de jeunes filles qui sont parties faire leurs études ailleurs et qui reviennent avec la volonté de représenter leur région. Ce qui est important, c’est que Miss Mayotte puisse à la fois parler de sa région mais aussi que les Mahorais se reconnaissent en elle»… Une phrase tout en diplomatie qui résume la problématique.
Kaysha était dans l’envers du décor cette année, il participait au spectacle. Mais le chanteur de zouk a déjà eu l’occasion d’être jury dans des concours de beauté. «Il faut voir les différents angles, et les chocs de culture que ça représente parfois. En France, on a tendance à vouloir pousser les cultures trop vite, alors que les changements de mœurs, il faut les laisser faire doucement. Parfois, les choses se télescopent entre le souhait d’une jeune fille et les habitudes.»
Miss Réunion qui avait dû affronter une tempête médiatique après son élection est là pour en témoigner. Première jeune fille de confession musulmane à porter la couronne réunionnaise, elle n’hésite pas à inciter les jeunes femmes à prendre leur destin en main, «la femme, il faut la respecter», dit-elle simplement.
Accepter ou forcer le destin
«Si le destin fait qu’elles ne peuvent pas se présenter, c’est qu’il y a quelque chose de mieux ailleurs qui les attend», tranche finalement Miss France. Elle, se souvient de son retour dans le nord, alors qu’avec son élection, elle était la première nordiste à devenir Miss France. «C’est mon plus grand souvenir, je n’avais jamais vu autant de monde dans mon village, avec des gens heureux. C’est une région où la vie n’est pas toujours facile, avec les migrants, le chômage… alors on apporte un peu de légèreté, un peu de bonheur au gens.»
La vie de Miss ne dure qu’un an. Elle commence par les concours internationaux, Camille Cerf est ainsi partie pour Miss Univers en janvier dernier, avant le marathon de la beauté. Miss France doit assister à toutes les élections régionales. Ce qui permet à Camille Cerf de venir pour la 1ère fois à Mayotte. «C’est beau de découvrir les différences cultures. Je suis allé à Saint-Pierre et Miquelon qui est encore complétement autre chose… A 20 ans, je peux dire que j’ai eu la chance de découvrir les 22 régions de métropole et l’Outre-mer.»
Bonne fée
Prochaines étapes pour elle: la Champagne-Ardenne, pour l’élection de la Miss régionale, la reprise de ses études (elle s’est déjà inscrite pour la 2e année d’école de commerce à Lille), mais aussi l’opération «Bonnes fées». «Sylvie Tellier a rassemblé 12 miss. Il y a toujours ce cliché que les miss veulent la paix dans le monde et le bien autour d’elles. Donc, je vais participer au ‘conseil des fées’ qu’elle va réunir, une association qui vient en aide aux personnes démunies», explique Miss France.
Elle est également investie auprès du secours populaire ou dans la lutte contre le cancer, après avoir perdu son père il y a deux ans.
Quant à Ramatou, elle n’est qu’au début d’un tourbillon d’un an qui va l’amener en Polynésie en compagnie des 29 autres Miss des régions de France dans les semaines qui viennent. Tahiti sera la première étape pour préparer l’élection de Miss France 2016 le 19 décembre.
RR
Le Journal de Mayotte