Des failles dans le système appellent une collaboration accrue entre les deux départements de La Réunion et Mayotte. Concrétisée par la tenue le 14 septembre d’un comité de pilotage. Des Evasan moins couteuses qu’il n’y paraît selon le directeur de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte qui appelle à améliorer l’offre de soins sur place.
Plus connues dans le langage hospitalier sous la contraction Evasan, ces départs pour urgences médicales vers des régions plus équipées font débat à Mayotte. Ou plutôt à La Réunion où sont envoyés nos petits et grands malades. Car comme s’en est faite écho la presse régionale, il s’agit aussi d’immigration clandestine et de droits de l’homme. Mais pas seulement.
Contrairement aux thèses avancées, les non assurés sociaux ne sont pas majoritaires lors des Eavasan. Sur 624 en 2014, 400 d’entre eux étaient affiliés à la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte, rapporte Jean Véron, le directeur de la CSSM. Et selon lui, la proportion est même en amélioration : « nous travaillons avec le Centre hospitalier de Mayotte pour une meilleure affiliation, certains patients étant en droit de l’obtenir et ne le demandent pas. »
Quand la maladie isole les enfants
Selon lui, le problème est ailleurs : « les enfants hospitalisés là-bas peuvent y rester plusieurs mois, voire des années », s’alarme Jean Véron. Le chiffre de 1 800 euros par journée d’hospitalisation est avancé du côté réunionnais. Quand à Mayotte, c’est le coût social qui inquiète: « les familles vivent des drames, avec des enfants qui se retrouvent isolés par la force des choses », poursuit le directeur de la Sécu qui évoque un gros travail d’accompagnement entrepris sur les patients en partance.
Ce n’est pas suffisant et le département de Mayotte a été sollicité. Avec une surprise du côté de son vice-président chargé du social, Issa Abdou : « nous étions totalement absent du dispositif ! », constate-t-il en prenant les manettes en avril dernier. Il se rend donc à La Réunion et accompagne la CSSM dans la décision d’organiser le comité de pilotage des Evasan à Mayotte cette année, et non à La Réunion. Il se tiendra le 14 septembre et réunira les deux conseils départementaux, les caisses de sécurités sociales CSSM et CGSS, l’ARS OI et les centres hospitaliers CHU et CHM.
235 millions d’euros pour la santé à Mayotte
« Nous avons également proposé d’aider les associations comme la Maison des parents à La Réunion au moyen de subventions », déclare Issa Abdou. Le travail du comité de pilotage portera donc sur le social, et non le médical, indique Jean Véron.
Car s’il fallait aller au fond du problème, il faudrait prendre en compte le coût des Evasan, « ridicule ! A peine plus de 1% des 235 millions d’euros de dépense annuelles de santé engagées par la CSSM sur notre département » retrace son directeur qui se base sur un rapport Outre-mer de la Cour des Comptes.
Un coût insuffisant pour provoquer une réelle prise de conscience : « nous aurions tout intérêt à développer une offre de soins complète sur notre territoire, même si elle n’est nulle part parfaite, plutôt que d’éloigner nos malades », prêche-t-il.
Quant à la part de non assurés sociaux, essentiellement en provenance des îles voisines, un travail avec l’Union des Comores serait indispensable par la suite. Les Centres hospitaliers se trouvant plongés en plein paradoxe : l’obligation de soins à apporter à la population, mais financés par un Etat chargé de lutter contre l’immigration clandestine.
Encourageant en tout cas que le conseil départemental se penche sur la situation de ses malades, et surtout que le dialogue soit noué entre les deux îles sur le domaine du social.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte