Depuis 4 ans qu’il a été élu, c’est devenu un rendez-vous fixe : le sénateur Thani Mohamed Soilihi présente chaque année son bilan d’activité, « les parlementaires doivent rendre compte à la population ». Foncier, tensions sociales et autres réflexions font partie du tableau.
S’il fallait lui reconnaître une seule action, ce serait celle de la défense active des intérêts de l’île, par des prises de paroles en séance et en commission du Sénat, et sans complaisance pour un gouvernement dont il partage pourtant la tendance politique. « Outre la participation à l’élaboration des lois, c’est d’ailleurs la motivation qui m’inciterait à me représenter dans deux ans, si on ne parvient pas à me dégouter d’ici là », glisse le sénateur.
C’est d’ailleurs ce qui l’avait motivé il y a quatre ans à postuler, « sans oublier que c’est au Sénat qu’avait été prise la décision de décompter les voix îles par îles lors du vote pour l’indépendance des Comores ».
D’une de ses intervention en séance au Sénat, on retiendra sa critique de la méthode utilisée par le gouvernement de légiférer trop souvent par ordonnance. Une manière d’aller plus vite, sans passer par le traditionnel processus parlementaires, réduisant de facto l’influence et le travail des sénateurs en l’occurrence.
« La terre, c’est aussi notre identité »
Lors de l’examen du projet de loi de modernisation du droit en outre-mer, un de ses amendement avait été adopté : celui de la création obligatoire d’établissements publics d’Etat en matière de foncier, pour la Guyane et Mayotte. Il rejoignait la problématique du rapport dont il fut coauteur en début d’année avec les sénateurs Guerriau, Larcher et Patient, « Domaine public et privé de l’Etat outre-mer : 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile ».
Une mission émanant de la Délégation outre-mer du Sénat doit arriver dans ce sens le 5 octobre. Composée des sénateurs Robert Laufoaulu, de Wallis et Futuna, Michel Magras, de Saint-Barthélemy, Jean-Jacques Hyest de Seine et Marne, elle devra en quatre jours dégager les priorités en ayant entendu l’Etat, le Conseil départemental et l’association Oudaïla Haki za Mahore, mémoire vivante du foncier à Mayotte.
Des priorités connues : de nombreuses indivisions comme en connaît la Corse, « le foncier devient ainsi un facteur bloquant des projets du territoire », et des villages entiers en bordure littorale considérée comme Zone des 50 Pas géométriques, appartenant donc à l’Etat, « on ne peut envisager de déloger tout le monde ». Sans parler des textes empilés au fil de temps, et qui auraient besoin d’un toilettage. Le sénateur a toujours prêché en faveur d’une CREC bis, adaptée au foncier, cette commission de révision de l’Etat civil qui avait donné à chacun en un temps record un patronyme conforme au droit commun, « or la terre, c’est aussi notre identité ».
« Interdiction d’entraver le droit au travail »
Le même projet de loi de modernisation du droit en Outre-mer lui avait permis d’obtenir le règlement de la situation des 3.600 agents publics mahorais au plus tard en janvier 2018.
Les tensions sociales que connaît actuellement Mayotte imposait d’évoquer le rapprochement vers le droit du travail métropolitain, lui-même sous les feux de l’actualité. « J’avais proposé par provocation un alignement immédiat, ne comprenant pourquoi on ne serait pas prêt à l’appliquer comme on l’a fait pour la fiscalité ». Il reprend là la volonté de la population, « de droite lorsqu’il s’agit de parler immigration, insécurité et emploi, mais de gauche sur l’indexation et les avancées sociales », et qui ne comprend pas que les impôts et amendes arrivent au taux de 100%, là où le RSA n’est encore qu’à 50%.
Pas d’amalgame pour autant avec le fond les conflits sociaux actuels : « en matière de grève, le droit du travail mahorais comme celui de métropole oblige salariés et patronat à entrer en discussion. Avec l’interdiction d’entraver le droit au travail. Il y a des attentes de l’évolution vers la départementalisation, mais le blocage n’est pas une réponse. »
Un boulet que l’on traîne
Il avait marqué les esprits cette année par sa position sur le droit du sol à Mayotte, amenant à une réflexion de longue haleine, « face à une poussée migratoire insensée et à une Union des Comores qui ne respecte pas notre choix ».
Mais sur ce sujet, comme sur la situation générale de Mayotte, « l’Etat a une bonne part de responsabilité », rappelle-t-il, « c’est un boulet que l’on traine maintenant.
Quant à son rôle de décrypteurs de lois et les critiques du président de l’association des maires, Saïd Omar Oili qui se poserait aussi en futur candidat face à Thani Mohamed lors des prochaines sénatoriales, ce dernier refuse d’entrer dans la polémique, mais apporte une précision : « mes collègues parlementaires sont inondés de propositions d’amendements des collectivités de leurs territoires. C’est sûr que la gouvernance est jeune sur notre île, et qu’il faut certainement attendre que les maires se dotent d’ingénierie pour y arriver. »
Pour preuve, il a fait passer la modulation de la taxe de ramassage des déchets il y a deux ans, « sur demande du président du SIDEVAM de l’époque ».
Également intervenu sur le financement de la sécurité sociale, sur le projet de loi de finances 2015, la transition énergétique, l’octroi de mer, il souligne qu’il est un sénateur parmi 348, mais reconnu malgré tout comme une des plus actifs au Sénat. « Et n’oublions pas que l’article 40 de la Constitution empêche un parlementaire de proposer un amendement qui consomme du budget ! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte