CARNET DES ASSISES DU JDM. Le doute aura pesé jusqu’au bout lors l’audience de la Cour d’Assises de Mayotte dans l’affaire du viol présumé commis par l’homme à Peugeot, le 23 novembre 2013. Un doute qui a suscité deux heures de délibéré, le temps que magistrats et jurés populaires parviennent à prendre une décision, car l’absence de la victime a joué sur le déroulement des débats.
Pour Me Cooper, l’avocate de l’accusé, le vide sur le banc de la partie civile a rendu les experts «tout-puissants» et a permis de «sacraliser» la parole d’une victime dont les versions de l’histoire n’ont pas pu être mises en question autant qu’elles auraient dû l’être.
«Le rouleau compresseur de la justice a débuté depuis la plainte de la jeune femme», dénonce Me Cooper. Elle a repris les 6 auditions de son client, ses interrogatoires par le juge d’instruction, pour recréer le doute. «On ne vous demande pas un jugement moral», a prévenu l’avocate. Pour elle, l’accusé n’a «pas été en mesure de percevoir le refus» de la victime.
«Il a profité de la situation»
Devant la cour, même si la morale n’est parfois jamais loin, il est en effet question de droit. Et, de fait, la question était de savoir si la jeune femme a clairement refusé l’acte sexuel qui lui était proposé ou si elle y a été contrainte face à la pression des circonstances. Bouleversée par l’agression qu’elle avait subie à proximité de la boite de nuit de Koropa, emmenée dans un endroit isolé par le taxiteur clandestin qui l’a recueilli, en pleine nuit, sous la pluie… A-t-elle eu le choix ?
Pour le procureur Ampuy, le dossier est rempli d’évidences. Après avoir repris, étape par étape, le déroulement de la soirée de l’accusé, il s’appuie sur les conclusions des experts «qui, eux, ne doutent pas de la sincérité de la jeune femme», ses attitudes étant typiques d’une victime d’abus sexuel. «L’accusé a profité de la situation d’une manière particulièrement malsaine», dénonce-t-il. Il requiert 10 ans de prison.
Des versions qui changent
Les jurés se sont retirés avec en tête la dernière version donnée par le prévenu à la barre qui a finalement raconté «sa» vérité sur cette soirée, de façon simple, détaillée et crue. «Pourquoi avoir changé de version, pourquoi ne pas avoir raconté cette histoire dès vos premières auditions», demande le président Schmidt. Généralement, dans de telles affaires, seuls les récits honnêtes et sincères ne varient pas.
Les larmes de l’accusé, submergé par l’émotion au moment de livrer ses derniers arguments de défense, n’auront donc pas convaincu. Après les deux heures de discussion, la cour a dissipé les doutes et a estimé que ce viol avait bien eu lieu. Sans violence et sans cris, il s’agissait bien d’un abus sexuel. L’accusé a été condamné à 6 ans de prison. Il est également inscrit au fichier des délinquants sexuels. Il ne devrait pas faire appel du jugement.
RR
Le Journal de Mayotte