L’histoire politique de Mayotte ne se loge pas seulement sur le rocher de Dzaoudzi. A Mamoudzou aussi, les murs du conseil départemental racontent un peu de Mayotte. Les archives départementales proposaient des visites pour les journées du patrimoine.
Ils ne sont pas nombreux à se souvenir que le conseil départemental est construit autour d’un ancien bâtiment colonial. Pour ce week-end des journées européennes du patrimoine, les archives départementales (AD) ont sorti de leurs fonds, des plans et des discours et un peu de l’histoire des bâtiments de l’exécutif départemental et de son cœur vivant, l’hémicycle. «Il y a une très grande mixité de périodes sur le site, on va de l’époque coloniale aux années 2000», remarque Inssa De Nguizijou M’Dahoma, archiviste aux AD 976.
Les murs les plus anciens sont ceux des bureaux des élus avec leurs belles portes en bois. «Ce bâtiment typiquement colonial abritait l’adjoint de l’administration supérieure», précise Inssa M’Dahoma. Après l’indépendance des 3 autres îles de l’archipel, les conseillers généraux investissent les lieux et en font le centre du pouvoir local.
Pour autant, il faudra encore attendre pour qu’un hémicycle, symbolisant le pouvoir démocratique local, soit bâti. «On ne sait pas bien où se réunissaient les élus dans les premiers temps, vraisemblablement autour de l’ancienne place du marché. Le projet de l’hémicycle actuel remonte à 1989. Younoussa Bamana avait décidé qu’il fallait un vrai lieu où faire siéger l’assemblée territoriale». Et il ne le voulait pas n’importe où, sur une colline, à une hauteur comparable à la préfecture de Mamoudzou «pour mieux pouvoir surveiller le préfet» et rappeler les intérêts des Mahorais.
Matériaux et artisans locaux
Le groupe d’architecte REA obtient le projet et le chantier s’étire de 1992 à 1994. Après quelques retards, on parle déjà à l’époque de pénuries de matériaux, de grèves et d’intempéries, il est inauguré le 24 novembre 1994 par Edouard Balladur, le Premier ministre. «Rea, pour réalisation adaptée, portait un projet complet avec le développement de filières locales pour que l’hémicycle soit construit avec des matériaux et des artisans locaux». Des compagnons viennent de métropole pour former par exemple des tailleurs de pierre qui participeront ensuite à la construction de nombreux autres bâtiments, écoles, bureaux de poste et même des collèges.
«Pour Bamana, un territoire est fait d’hommes forts et d’hommes fragiles. Il voulait qu’on retrouve ces deux éléments dans l’hémicycle», précise Inssa M’Dahoma. On trouvera ainsi des pierres dures comme le basalte et des matériaux plus tendres comme la brique. Si la salle est construite sous le regard avisé du Mzé qui suit de près les travaux, tous les éléments prévus ne seront pas réalisés. La pente douce de l’hémicycle sera respectée pour ne pas créer de trop grande distance entre les élus et le public (donc le peuple). En revanche, le vaste plateau en marbre de Madagascar qui devait distinguer la table d’honneur du président et de ses principaux adjoints n’a jamais été taillé.
La donation pour partager l’histoire
L’hémicycle a pris le nom de Bamana en juillet 2007 après que l’immense bâtiment administratif ne soit bâti en 2004. «Les archives départementales ont reçu en donation le fonds du cabinet Réa et nous avons réalisé un grand travail de classement et d’archivage. Nous avons choisi de présenter une partie de ces fonds pour inciter les entreprises ou les particuliers qui possèdent des documents qui racontent un peu de l’histoire à faire ce geste de la donation», explique M. M’Dahoma des archives départementales.
Ces journées du patrimoine auront permis, comme dans de nombreux endroits, de faire resurgir un peu du passé avant que le vent des changements ne l’emporte, pour qu’il devienne, ici comme ailleurs, un peu de notre mémoire collective.
RR
Le Journal de Mayotte
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