Un Fonds européen pour prendre en charge l’asile, l’intégration ou l’aide au retour, Mayotte ne pouvait rêver mieux. Avec malgré tout une rigueur demandée par l’Europe, que l’Etat n’observe pas toujours sur le territoire…
Curieux écho de la situation internationale que la présentation ce vendredi au conseil départemental d’un Fonds européen dédié à l’immigration, le Fonds Asile Migration et intégration (FAMI). On y apprenait en effet que l’Union européenne a développé depuis 1999 une politique commune sur ces thèmes… Commune.
Le FAMI était donc présenté à Mayotte dans le cadre de la semaine du Séminaire sur les Programmes horizontaux européens. C’était le dernier opus, et il avait comme invités de marque en visioconférence, les membres de la Direction générale des étrangers en France du ministère de l’Intérieur.
Des projets à porter sur trois domaines, l’Asile, la Migration légale et intégration et le Retour. Avant d’en connaître les champs d’application, Issa Abdou, 4ème vice président du département, chargé de l’Action sociale et de la Santé, brossait en une phrase le tableau mahorais pour les interlocuteurs parisiens : « un tel flux migratoire que les politiques publiques sont inefficaces à court et moyen terme. » Il rappelait que si le contrôle aux frontières était important, « il faut aussi créer les conditions économiques propices pour fixer les populations. »
« Mayotte ne peut prendre tout le malheur de la région ! »
La partie migratoire concerne peu Mayotte, puisqu’il s’agit d’inciter à la migration légale en fonction des besoins économiques et sociaux des Etats membres, et de promouvoir l’intégration effective des ressortissants de pays tiers.
D’ailleurs, le sang des Femmes leaders n’a fait qu’un tour en apprenant que l’Europe allait débloquer les finances pour la migration et l’intégration : « des années qu’on est étouffé ici. Vous parlez d’immigration ou de demandeurs d’asile, mais les îles voisines sont-elles en guerre ? Mayotte ne peut pas prendre tout le malheur de la région ! » Une virulence signée Faouzia Kordjee, qui plombait un peu l’organisation quasiment irréprochable de cette conférence par le Conseil départemental, mais témoin du sentiment d’abandon par l’Etat français de la population mahoraise, en particulier sur le sujet migratoire.
C’est sans doute sur le volet portant sur les réfugiés et sur les demandeurs d’asile* que les associations, les établissements publics ou les services ministériels, seront les plus prolixes à Mayotte. Encore faut-il que les projets de ce volet Asile de la FACIM, doté de 61,9 millions d’euros pour la période 2014-2020, entrent dans les critères : « avoir un impact sur la politique d’asile française ou européenne, justifier de l’urgence de sa mise en œuvre, s’engager sur une méthode d’évaluation de qualité et soutenir un bon rapport coût/efficacité. » Et les micro projets de moins de 100.000 euros sont priés de s’abstenir.
85,33 millions pour les projets d’aide au retour
L’un d’entre eux est porté par la Croix rouge de Mayotte : « Nous allons louer des appartements en parc privé, que nous sous-louerons à des réfugiés pendant 6 mois renouvelables une fois. Avec un accompagnement social en parallèle qui leur permette d’intégrer leur propre logement à terme. » Une sorte de transition vers l’intégration. Si Michel Henry, son directeur, attend l’accord européen, le projet est en route, « dès ce lundi 21 septembre, 7 appartements abriteront 29 personnes ».
Les projets d’aide au retour, « qu’il soit contraint ou volontaire », doté de 85,33 millions, sont également une piste solide pour Mayotte, en ce sens que ce volet peut encourager l’amélioration des conditions de rétention, l’assistance linguistique, ou la recherche de familles restées sur place. Mais une enveloppe qui risque d’être très prisée en métropole…
Lutte contre l’exportation de la criminalité
La sécurité n’est pas oubliée avec le Fonds Sécurité Intérieure, que doit porter la préfecture, d’ailleurs non représentée lors de cette matinée. L’enveloppe de 70,1 millions d’euros est consacrée à la lutte contre la criminalité, et à la gestion des risques et des crises. Mais là encore, sous conditions : « le projet doit impacter la sécurité d’autres Etats membres, en plus de l’intérêt local. Pour votre île, il faudra par exemple démontrer que Mayotte est le pays d’origine d’une criminalité que l’on veut combattre grâce au projet proposé », souligne la responsable du volet Police du FSI. Il doit en plus entrer dans les objectifs nationaux, notamment déployés pour lutter contre les filières de radicalisation
En dehors de la migration légale, on le voit, plusieurs enveloppes européennes peuvent intéresser Mayotte. En gardant à l’esprit qu’outre le critère évident de solidité financière de la structure porteuse du projet, les conditions européennes sont parfois très exclusives. Notamment la conformité avec des programmes nationaux, qui n’intègrent pourtant pas notre territoire sur tous leurs outils, on pense à l’Aide Médicale d’Etat ou la CMU-C. Une tolérance supérieure à zéro sera donc la bienvenue…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Un demandeur d’asile autorisé à demeurer sur le territoire prend le statut de réfugié