Rondes de nuit : quand les habitants assurent leur protection

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Le Conseil de quartier pour la sécurité de Mayotte (COSEM) vient d’aboutir à la mise en place ce samedi les rondes de nuit sur deux quartiers : à Kawéni vers les Hauts Vallon, et à Pamandzi, à l’AJP. L’éclairage public, le port du chombo, l’habitat illégal ou la réponse judiciaire envers les mineurs… autant de sujets qui ont alimenté des discussions parfois vives.

Les habitants des quartiers des Hauts Vallons s'organisent
Les habitants des quartiers des Hauts Vallons s’organisent

Ils étaient une quarantaine à avoir répondu présents à la terrasse du bar le M’biwi, tous habitants des quartiers Hauts Vallons, Trois Vallées et Val fleuri. Avant de déterminer la composition des équipes de « rondeurs », beaucoup de thèmes étaient abordés autour de la sécurité, en présence du commissaire Miziniak et du sénateur Thani Mohamed Soilihi, également habitant du quartier.

C’est aussi un avocat qui est l’initiateur du COSEM, Elad Chakrina, qui tente de trouver dans la solidarité entre voisin, des solutions aux manquements. S’il ne s’agit pas d’indexer, les victimes de violence font remonter leur ras le bol, parfois vivement.

« L’essentiel des cambriolages se font de jour maintenant, quand les gens ne sont pas là », se plaint un habitant. Une autre évoque les 40 minutes d’attente que la police se déplace une nuit à 3 heures du matin. On est bien loin de l’efficacité des 7 patrouilles de police avancées par la directrice de cabinet du préfet, « le plus souvent, elles sont 3 à 4, cela peut aller jusqu’à 7 », précisait le commissaire Miziniak, en indiquant qu’il allait chercher les dysfonctionnement en interne, « puisque nous sommes théoriquement toujours autour de 10 minutes de temps moyen d’intervention. »

Déposer plainte contre l’habitat sauvage

Les explications du commissaire Miziniak
Les explications du commissaire Miziniak

Le renforcement de l’éclairage public pour éviter les zones sombres est toujours demandé à la mairie de Mamoudzou.

Un double problème : celui de la délimitation d’intervention police-gendarmerie qui pose problème selon les habitants, et celle d’un lotissement appartenant à un privé, non rétrocédé à la mairie, sans aucune intervention possible de ses services donc.

« Petit à petit, les bangas gagnent vers notre résidence, je ne peux plus courir sans me faire insulter, et à côté de jeunes porteurs de chombo », râlait un habitant. Le commissaire annonçait une campagne menée avec le procureur contre le port du chombo (coupe-coupe), en ville : « et quand ils vont au champ, ils vont devoir le porter comme à Madagascar, dans un sac. Les jeunes sont déjà prévenus. »

Quant à l’urbanisation sauvage, c’est Thani Mohamed Soilihi qui prendra la parole : « le propriétaire du terrain est responsable s’il laisse faire. Vous avez la possibilité de déposer plainte. » Des terrains qui sont la plupart d temps propriété de la mairie, dont le premier élu pourrait se trouver en difficulté si une telle plainte était déposée.

Les résidents du juge

Gilet, sifflet et lampe : la panoplie du "rondeur"
Gilet, sifflet et lampe : la panoplie du « rondeur »

« C’est dommage qu’il n’y ait pas un juge avec nous là. Parce que le rappel à la loi, ça j’aime le rappel à la loi ! », lance provocateur un habitant plusieurs fois cambriolé, « ils sont tous relâchés, j’en ai tabassé un et je me suis retrouvé en garde à vue », s’emporte un autre… Le ton monte, les esprits s’échauffent, « la loi défend les agresseurs, à Madagascar, on obligeait les prisonniers à vider les fosses septiques. De toute façon, le mot d’ordre des préfets ça a toujours été de ne pas intervenir et de faire du social. Ne me dites pas qu’on ne peut rien contre un gamin de 16 ans qui commet un cambriolage sous la menace d’un chombo ! On est obligé de faire justice soi-même. »

C’est justement ce que veut éviter Elad Chakrina en proposant des rondes qui vont permettre aux habitants de veiller les uns sur les autres, « mais sans les dérives qui avaient été constatées à Mtsapéré », où les « rondeurs » s’étaient octroyés des pouvoirs qu’ils n’avaient pas.

Se posait alors la question de la marge d’intervention de ces citoyens, censés assurer la sécurité de leur quartier : « peut-on interpeller quelqu’un sans se retrouver en prison comme ce fut le cas pour un politique local ? » Le commissaire répondait nécessité d’agir et interpellation avec maîtrise « avec une juste proportionnalité à la situation ». Une notion qui fait appel au sang froid, et donc au professionnalisme…

Un tableau est dressé avec les noms des volontaires pour des rondes entre 22h et 4h du matin : « chacun sera muni d’un gilet fluo, d’un sifflet et d’une lampe. » Des équipes de quatre, ce qui nécessite des réunions hebdomadaires chez le référent, qui sera le contact pour la police, « un système d’alerte par sms est mis en place », indique l’avocat.

Des rondes préventives, qui exposent néanmoins les volontaires à des menaces qu’ils ne maîtrisent pas forcément.

La même réunion se tenait dans l’après-midi à Pamandzi, en zone gendarmerie donc.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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