Alors que les ministères de la fonction publique et de l’Outre-mer ont listé dans un communiqué commun les mesures actées ce mardi 29 septembre pour les agents de Mayotte, plusieurs syndicats font part de leur déception et appellent à la grève dès mardi prochain.
Personne n’a été surpris ce mardi. La fameuse clause de revoyure qui réunissait autour d’une même table le gouvernement et l’ensemble des organisations syndicales de fonctionnaires au ministère des Outre-mer a satisfait ceux qui s’attendaient à l’être. Et elle mettra dans la rue ceux qui avaient déjà déposé un préavis de grève avant même la réunion.
Ouvert et fermé par Jacques Witkowski, le directeur de cabinet de George Pau-Langevin et ancien préfet de Mayotte, le rendez-vous a accouché de nombreux «engagements» du gouvernement regroupés en 5 points.
1. L’indemnité d’éloignement.
Le gouvernement confirme que «pour les agents arrivés à Mayotte avant le 1er janvier 2014, l’indemnité d’éloignement est versée pendant les quatre années d’affectation à Mayotte, y compris pour les agents renouvelés dans leurs fonctions après le 30 juin 2014.» Si cette indemnité n’est pas fiscalisée en 2013, la plupart des syndicats retiennent qu’elle l’est pour la suite.
2. Les questions statutaires.
C’est le point qui mécontente tout le monde, à des degrés divers.
Certes, la suppression des corps transitoires («passerelles») est actée dès le 1er novembre, c’est-à-dire dans un mois et celle des cadres d’emplois passerelles au plus tard le 1er janvier 2018. Mais le problème porte sur la prise en compte de l’ancienneté.
«Une partie de la carrière» est transformée en «bonification d’ancienneté pour tous les agents ayant été nommés dans un corps ou cadre d’emplois passerelle» avant leur intégration à la fonction publique nationale. Mais elle ne correspond qu’aux ¾ de l’ancienneté et elle est plafonnée à 3 ans et 9 mois. Autrement dit, un agent avec 15 ans d’ancienneté par exemple, ne pourra prétendre qu’à 3 ans et 9 mois d’ancienneté reconnue.
L’ensemble des syndicats a demandé au gouvernement de revoir sa copie sur ce point.
3. Les questions de retraite.
Les agents non titulaires mahorais vont bénéficier d’un régime complémentaire de retraite et seront affectés à l’IRCANTEC (institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’Etat et des collectivités). Clairement, le régime de retraite se cale sur les réalités métropolitaines.
Une mission d’inspection dressera un état des lieux détaillé de la question de la reconstitution de périodes non cotisées pour les retraites et enfin, une commission présidée par le préfet appréciera la question des invalidités.
4. Les questions d’attractivité
Hormis pour l’UNSA (pour qui l’élément majeur était les corps transitoires), c’était le point crucial pour les organisations syndicales.
Rien de nouveau pour l’indexation. Le taux continue sa progression pour atteindre une majoration de 40% en janvier 2017. Le gouvernement attend l’étude de l’INSEE de mi-2016 chargée d’établir sur près de 7.000 produits la réalité comparée de la cherté de la vie à Mayotte. Il décidera ensuite, en 2017, si ce taux est suffisant.
La plupart des syndicats ont pris comme une provocation le fait que la question des 53% d’indexation (comparable au taux réunionnais) soit renvoyée à plus tard.
Une gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) est mise en place pour prendre en compte «la spécificité de l’affectation à Mayotte». Il s’agit d’une circulaire qui traitera des conditions de retour post-Mayotte et de valorisation du parcours professionnel. Enfin, une 2e circulaire de «gestion prévisionnelle des emplois et des compétences» (GPEC) visera le sujet de la formation des agents pour «leur assurer des parcours professionnels intéressants».
5. Gouvernance locale et dialogue social.
Dès le 1er janvier, le préfet de Mayotte mettra en place un comité de pilotage sur «la condition des fonctionnaires de Mayotte» avec les organisations syndicales. Un groupe de travail présidé par le vice-recteur verra également le jour pour examiner «les besoins spécifiques (formation, mobilité…) des instituteurs de Mayotte».
Revoyure de revoyure.
Les ministères parlent d’«avancées significatives pour les agents qui exercent leurs fonctions à Mayotte» et ils donnent rendez-vous aux syndicats à l’automne 2017 pour évaluer «l’impact de ces nouveaux dispositifs sur l’attractivité de Mayotte».
Du côté syndical, l’UNSA parle de «bonnes nouvelles» par la voix d’Eric Hourcade. «Nous, on croit qu’il y a des avancées», précise le syndicat qui reconnaît quelques-unes de ses propositions dans les points qui ont été actés. Comme l’ensemble des organisations syndicales, il reste en revanche très critique sur les dispositions concernant le rattrapage des carrières des agents issus de la collectivité de Mayotte.
« Mauvaise volonté » du gouvernement
Mais cette «journée riche en échanges», selon les termes des ministères, est en revanche bien moins bien perçue par les autres organisations syndicales. Un des plus grands pilonneurs de ce rendez-vous est sans conteste Thierry Wuilliez du SNES FSU. «Circulez, y a rien à voir», «rigidité», «opération de communication», «incompétence et mauvaise volonté», le syndicat enseignant a livré au JDM un mitraillage en règle d’un «gouvernement qui organise l’affaiblissement du service public à Mayotte. L’attractivité d’un territoire, ce sont aussi des services publics qui fonctionnent bien et la qualité du service public n’est pas leur priorité», a-t-il fait valoir.
D’ores-et-déjà, le SNES FSU annonce le maintien de son préavis de grève pour mardi prochain, le 6 octobre comme les membres d’une intersyndicale dans laquelle se trouve la CGT, la CFDT ou le SNUipp.
Ceux qui prédisent (ou rêvent) un grand soulèvement social du type 2011 pourront tenir ici un argument (ou espoir) supplémentaire. Ceux qui comptent les avancées que Mayotte et les Mahorais obtiennent régulièrement pourront également en ajouter à leur liste.
RR
Le Journal de Mayotte