Aujourd’hui se tient une séance plénière de vote des rapports de la vie du département. Le Conseil économique, social et environnemental, qui assure précisément un rôle de conseil, s’est autosaisi vendredi dernier comme il en a le droit, pour examiner 8 des rapports les plus importants. Dont la très inquiétante décision modificative d’un budget fortement déficitaire.
Le conseil économique, social et environnemental n’a reçu la saisine du conseil départemental que ce 5 octobre, la veille pour le lendemain donc. Nous nous pencherons sur 6 des 8 rapports qu’il a examinés.
C’est le budget du département qui focalise l’attention. Parce qu’annoncé en déficit de 45,6 millions d’euros en fonctionnement et de 2,4 millions d’euros en investissement. Jusqu’à présent, nous restions sur un solde positif annoncé par le sortant Daniel Zaïdani. Ce qui incite à s’interroger avec le CESEM sur la sincérité du budget prévisionnel annoncé pour 2015, et sur l’authenticité de la seule raison invoquée dans le rapport du conseil départemental : le changement de mode de financement défavorable à la collectivité, lié à l’octroi de mer, « qui était connu au moins depuis 2014. » On peut en effet se poser des questions sur l’amélioration réelle du respect de la comptabilité d’engagement.
Un satisfecit cependant aux directions des finances et de l’économie « pour la clarté de explications fournies (…) qui mettent en lumière hélas le cercle vicieux dans lequel s’enferme la collectivité depuis quelques années. »
« Remise en cause du financement du contrat de projet »
Et il y a de quoi être inquiet en effet puisque le conseil départemental annonce lui-même un « état de dégradation des finances du Département (qui) ne permet pas de dégager une capacité d’autofinancement permettant d’assurer son programme d’investissement… cette situation grave risque de remettre en cause les engagements du département en matière de financement des opérations inscrites au Contrat de Plan Etat-Région et celles cofinancées par les fonds européens… »
Pour le CESEM, c’est un véritable « plan de sortie de crise qui doit être recherché de toute urgence ». Il exhorte dans l’immédiat le département à profiter des échéances de discussion de la répartition de l’octroi de mer entre les communes et le département pour engager sérieusement avec l’Etat des mesures de compensations des pertes de recettes.
« Un désengagement de l’Etat »
Un autre avis majeur, parce qu’il porte justement sur le financement du département de ces 5 prochaines années, concerne le Contrat de projet Etat-Mayotte (CPER). « Qui prend une dimension encore plus importante dans cette période où Mayotte doit en même temps mobiliser toutes ses ressources pour relancer les grands projets structurants », en particulier européens.
L’Etat et le Département consacreront pour le présent CPER près de 378 millions d’euros, « en baisse de 100 M€ comparé au montant mobilisé par la précédente programmation ». La réussite doit donc être au rendez-vous. Il faut pour cela que le conseil départemental assume sa quote-part. Or, alors que l’investissement était de 60% pour l’Etat contre 40% pour le département dans les précédents CPER, la clef de répartition actuelle de 49% CD et 51% Etat, « marque le désengagement de l’Etat en l’absence de bilan consolidé voire analytique qui nous aurait éclairés sur le niveau d’exécution du précédent contrat », critique le CESEM. En effet, l’Etat avait annoncé devoir compenser le désengagement du CD sur le précédent CPER. Il appelle les conseillers départementaux à fournir au plus vite leur plan d’action pour pouvoir renégocier ce partage.
Un deuxième avis porte sur les transformations et créations de postes budgétaires. C’est plutôt un non avis puisque ses membres estiment ne pas pouvoir se prononcer sur les transformations, suppressions et créations de postes, censés répondre à la nécessité de doter les services du conseil départemental d’un personnel de qualité et la nécessité de régulariser certains dossiers. Les représentants du personnel ayant eux-mêmes émis un avis défavorable, le CESEM déplore ne pas avoir tous les éléments pour fonder son avis.
Le CESEM salue par ailleurs l’adoption d’un règlement intérieur des agents du conseil départemental, soulignant que « la qualité de l’organisation des services et de gestion des ressources impacte fortement la mobilisation des agents dans l’accomplissement de leurs missions ». Un règlement qui ne peut toutefois être efficace sans « outils de contrôle, d’indicateurs d’évaluation et de moyens de corrections des dérives qui seraient constatées. » Une mesure « d’affichage », critique en conséquence le CESEM, qui demande la définition d’objectifs clairs et personnels à chaque agent.
C’est toujours la masse salariale qui fait l’objet d’un autre avis, puisqu’il porte sur le projet de création de 250 Contrats Uniques d’Insertion bénéficiaires du RSA tout en proposant en plus le recrutement de 300 jeunes en emploi d’avenir. Des recrutements appelés de leurs vœux par les acteurs des Etats généraux du social. Mais qui n’a pas les faveurs du CESEM, qui appelle à la vigilance sur tout accroissement de la masse salariale, « à l’exclusion des besoins en expertise dans des domaines stratégiques. »
Le médico-social enfin, fait l’objet de la rédaction d’un schéma départemental sur 2016-2020. « Une avancée significative parce qu’il tire le constat d’un imbroglio datant de 2010, période à laquelle on a régionalisé la politique sanitaire à Mayotte au sein de l’Agence Régionale de Santé océan Indien basée à la Réunion, sans tenir compte des enjeux forts qui pèsent sur notre système sanitaire et médico-social. » En effet, les frontières entre les dépenses de l’ARS, de la CSSM, du département et de l’Etat ne sont pas nettes. Le CESEM appelle à la constitution rapide d’un comité technique autour de ce schéma.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte